Québec Yachting

Naviguer par gros temps – Les manœuvres • Partie II

Naviguer par gros temps - Partie 2La plupart des plaisanciers partent sur l’eau sans aucune planification en cas de gros temps. Même s’ils consultent souvent les bulletins météo et s’organisent de façon à ne pas sortir si on prévoit du mauvais temps, une fois sur l’eau, ils ne s’inquiètent pas trop si le vent se lève, s’il change de direction ou devient plus soutenu. Ils savent qu’ils peuvent bien manœuvrer leur bateau.

Dans la dernière édition de Québec Yachting, nous avons traité des éléments clés à prendre en considération afin d’être bien préparé si les conditions de navigation se dégradent. Après le bateau et l’équipage, concentrons-nous maintenant sur les manœuvres à effectuer dans une telle situation.

Photo 2 - Naviguer par gros temps - Partie 2Les vagues

Les conditions de vagues varient en fonction de trois choses : la durée et la force des vents ainsi que leur direction. Les vagues se développent sur une base temporelle. Si le vent souffle à 15 nœuds, il ne devrait pas y avoir de problème, mais les vagues pourraient facilement doubler en hauteur après deux journées consécutives. Pour ce qui est de la force des vagues, la question est relativement simple. Si le vent souffle à 20 noeuds, les vagues atteindront le double de celles d’un vent de 10 noeuds. En conclusion, un vent soufflant de la terre vers la mer aura un effet de vague beaucoup moins important qu’un vent du large, et ce, en raison d’un fetch plus court.

Le fetch est la distance sur un plan d’eau au-dessus de laquelle souffle un vent donné sans rencontrer d’obstacle. Ainsi, si vous naviguez près du rivage, un vent de 30 noeuds pourrait avoir un effet marginal, alors que si vous êtes au large, à plus de 150 km de la côte, des vents faibles pourront développer de grosses vagues.

Un autre facteur à considérer est l’intervalle entre les crêtes de vagues. Même si les vagues sont hautes, vous aurez moins à vous inquiéter si l’intervalle entre ces dernières est plus long. Vous risquez donc moins que le bateau parte de travers et d’être fortement éclaboussé.

Le type de bateau

Manœuvrer par gros temps sur un bateau à pont ouvert est fort différent que sur un bateau à pont fermé. Si les vagues frappent l’avant d’un bateau à pont fermé, elles vont probablement éclabousser le bateau jusqu’au pare-brise et pénétrer un peu dans le cockpit. Tout devrait bien aller, pourvu que vos dalots de pont ne soient pas obstrués – vérifiez-les chaque mois! N’oubliez pas cependant que le fait d’avoir un pied ou deux d’eau dans le cockpit risque de vous causer quelques problèmes pour manœuvrer votre bateau.

Pour un bateau à pont ouvert, cela est plus risqué, et ce, pour deux raisons. D’abord, si la proue est éclaboussée par les vagues et qu’une bonne quantité d’eau y pénètre, vous aurez plus de difficulté à manœuvrer, car ce type de bateau est plus léger. Au lieu des dalots, vous dépendrez de l’efficacité de vos pompes de cale pour éliminer l’eau. Donc, ne partez jamais sans elles! Assurez-vous également qu’elles possèdent une capacité de débit appropriée à la grosseur du bateau et qu’elles sont correctement installées. Deuxièmement, dans un bateau à pont ouvert, il sera très important de bien distribuer le poids à bord, qu’il s’agisse des passagers ou de l’équipement, car cela pourrait faire en sorte que la proue se remplisse d’eau.

Photo 3 - Naviguer par gros temps - Partie 2Stratégie à utiliser dans une mer de face

Lorsqu’on fait face à de grosses vagues, il faut bien équilibrer l’assiette du bateau. Le fait de régler le trim (si disponible) vers le bas et de conserver une certaine vitesse devrait permettre de relever le nez du bateau. Dans le cas d’un bateau à pont ouvert, assurez-vous d’une bonne distribution du poids à bord. Équilibrez également le poids sur les côtés du bateau. Quand on fonce dans de grosses vagues, tout devient inconfortable à bord en raison du choc des vagues contre la coque et des éclaboussures. Si vous naviguez dans un angle de 15 ou 30 degrés, vous gagnerez en termes de confort et vous aurez moins d’eau projetée à bord. Pour ce qui est de la vitesse du bateau, tout dépendra de l’intervalle entre les vagues et de leur cambrure.

L’approche en vent arrière

Tout d’abord, comme pour une mer de face, maintenez le poids à l’arrière du bateau si vous devez manœuvrer avec un vent arrière. Si vous surfez une vague et que la proue est trop chargée (à grande vitesse ou avec un angle d’attaque incorrect), vous risquez de rattraper la vague suivante. Cela pourrait faire en sorte que la vague projette la proue vers l’arrière (et vice-versa) et se brise sur l’arrière du bateau. Personnellement, j’ai constaté que le fait de zigzaguer entre les vagues fonctionne bien. Ce sera encore plus facile si les crêtes de vagues sont plus espacées et que vous disposez donc d’un intervalle plus long entre celles-ci.

En manœuvrant avec un vent arrière, la poupe peut avoir tendance à glisser sur le côté de la vague. Cela se produit habituellement quand la vitesse du bateau est inférieure à celle des vagues. À la limite, si le bateau glisse jusqu’à la prochaine vague, cela pourrait entraîner de lourdes conséquences.

Afin d’empêcher le bateau de partir de travers, il faut manœuvrer directement dans la vague. Vous aurez besoin fort probablement de plus de puissance afin d’échapper à l’effet de travers. Si le bateau est équipé de deux moteurs, poussez la manette des gaz du moteur situé du côté de la vague. Cela permettra de redresser le bateau MAIS il vous faudra d’autre part réduire les gaz aussitôt afin de ne pas prendre trop de vitesse. J’ai personnellement tiré une bonne leçon de cette expérience : il faut toujours avoir de la puissance en réserve. Si vous manoeuvrez continuellement à pleine puissance, vous ne pourrez éviter une mise de travers.

La vitesse idéale

Il y a une vitesse idéale pour chaque bateau, et ce, en fonction de sa coque, de la puissance de son moteur et de l’action des vagues. Il faut aussi de la patience afin de trouver « le juste équilibre ». Il vous faudra effectuer plusieurs essais en augmentant ou en réduisant progressivement la vitesse du bateau. Lors d’une croisière, mon épouse et moi avons passé deux journées entières à quai à attendre que les vents se calment avant de nous décider finalement à repartir. Nous avons trouvé la vitesse idéale afin de surfer des vagues de 4 à 5 pieds, soit 17 nœuds, et parcouru ainsi 25 milles pour nous rendre à notre destination. Ce jour-là, nous étions seuls sur l’eau, même s’il faisait vraiment beau.

Vigilance requise

L’action des vagues n’est jamais totalement uniforme. Certains disent qu’on peut même rencontrer des vagues 9 à 10 fois plus grosses. Je ne sais pas si c’est vrai, mais sachez toutefois que vous devez toujours rester vigilant dans de telles conditions. De temps à autre, vous rencontrerez une vague qui sera de 25 à 50 % plus haute que la moyenne. Portez toujours votre regard trois ou quatre vagues plus loin, que ce soit dans une mer de face ou par vent arrière. Ainsi, vous la verrez venir et pourrez ajuster votre vitesse et votre approche afin de minimiser l’impact. Il est évidemment préférable d’éviter les surprises.

Dernier point et non le moindre

Si vous partez sur l’eau pour une longue période avec un bateau qui commence à avoir de l’âge, vous courez d’autres risques. En effet, les réservoirs de carburant se corrodent avec le temps. Ainsi, lorsque votre bateau se fera brasser dans les vagues, des sédiments du réservoir pourraient se détacher et obstruer le filtre à carburant. Dans le cas des moteurs diesel, il y a habituellement deux filtres de chaque côté. Ayez la bonne idée de n’en utiliser qu’un seul à la fois. Ainsi, vous pourrez les permuter au besoin. Pour les moteurs à essence, prévoyez emporter deux ou trois filtres supplémentaires. Il serait bon également de savoir comment les changer au cas où vous devriez le faire de façon urgente.

Sachez que ce ne sera pas la fin du monde si jamais vous avez à manœuvrer dans les grosses vagues! Ce sera pour vous l’occasion d’exercer vos réflexes. Par la suite, vous ne vous sentirez plus piégé ou effrayé lors de vos sorties sur l’eau.

Par Brian Minton

* Ce texte sera publié dans le magazine Automne 2013 de Québec Yachting.