Québec Yachting

Jeanneau Sun Odyssey 469

L’impertinent petit grand frère

On le regarde avec envie. Ce n’est pas qu’il affiche les attributs ordinaires de qui veut surtout épater le voisin. Non, c’est simplement qu’il inspire confiance. Par la robustesse tranquille que son allure impose, par les performances que sa carène suggère et par l’élégance de ses formes.

Né dans l’atelier de Philippe Briand, le SO 469 ne prétend pas rivaliser avec son prédécesseur, le 509, dont il s’inspire beaucoup, mais en bon cadet lui emprunte le meilleur. Avec un look général désormais qualifié de « Modern Europe »,  ce croiseur mi-lourd montre avec éloquence que Jeanneau maîtrise depuis longtemps toutes les ficelles du métier. La coque en injection dans un double moule permet d’harmoniser la densité de résine dans le composite en évitant la surcharge de poids inutile. Procédé qui possède l’autre avantage de laisser une surface d’aspect lisse qu’il n’est pas nécessaire de camoufler avec des artifices plus ou moins seyants. La forme de carène, avec son bouchain évolutif résolument adopté par les chantiers vigilants, donne très exactement ce qu’on lui suppose d’agilité sur l’eau. Assise ferme, assiette impeccable dans les vagues, même quand il a fallu négocier un clapot croisé serré de mauvais augure. Le bateau ne bronche pas, pourvu qu’on ait pris le soin de s’habituer à son comportement. Le 469 est très agréable à barrer et son déplacement de presque 11 tonnes ne fait guère sentir que la puissance dans la douceur de ses réactions. Le tirant d’eau important (2,24 m) et le bulbe bien profilé agissent sous l’eau comme l’aile d’un cormoran s’appuyant sur le vent. Rien à dire.

Comme une mariée à l’autel

À la manœuvre, l’équipage est à la noce attendue. Les passavants sont singulièrement larges et n’entravent pas la circulation, même si on aurait souhaité des mains courantes plus commodes à agripper que les longues barres encastrées qui courent vers l’avant. Le service des voiles est un plaisir de régatier tant les écoutes filent sans heurts dans leurs logements dissimulés sous le pont avant d’aboutir aux lockers servis par deux puissants winchs Harken. Un autre Harken (46.2ST) est attribué aux manœuvres aboutissant au roof, sur bâbord. Le réglage du triangle avant dépend du choix de foc, standard, à recouvrement 106 % ou encore un auto-vireur qu’il est parfaitement possible de gréer sur la barre d’écoute transversale avant. L’étai est livré à double gorge, ce qui laisse présumer d’ambitions régatières et en tout cas de changement de voilure sans perte d’appui en cas de longues traversées. Pour la grande voile full batten à bordure libre, pas davantage de difficultés : les lazy jacks guident la toile dans la lazy bag comme une mariée à l’autel et deux points de prise de ris automatique permettent de voir venir le temps en toute sérénité. Le bateau est raide à la toile, puissant même aux alentours des 40 degrés du vent, et passe la vague avec la nonchalance des grands croiseurs sûrs d’eux-mêmes.

Tons suaves et couleurs poire

L’espace loisirs de l’arrière est surtout dévolu à la plateforme de bain, pourvu d’une échelle télescopique et d’un astucieux coffre au ras de l’eau pour ranger palmes, masques et tubas dont on ne sait jamais que faire sur le pont. On préférera la version avec pataras en patte d’oie, même s’il est plus fragile, pour libérer l’accès. Les postes de barre double sont parfaitement pensés pour caler ses pieds à la gîte comme pour gouverner assis aux allures de largue.

En descendant les quatre marches (ou cinq selon la version), on accède au carré. Triomphe de la clarté qui dégringole de partout, équipets (qui ferment, pour une fois, il est utile de le souligner…) judicieusement profonds, évier double, doté d’une robinetterie pensée pour servir en mer et pas seulement au port, tout est dans le droit fil du savoir-faire Jeanneau. On regrettera que la table à carte, éternel parent pauvre des unités modernes, ne soit pas dans l’axe du bateau, mais on apprécie le système escamotable qui autorise l’ajout d’une couchette double. Ça peut servir… Les boiseries restent particulièrement suaves dans les tons poire, aucun angle n’est à craindre et la circulation en mer est intelligemment facilitée par une double main courante au plafond. Quand on vous disait que ces gens-là savent ce que c’est que naviguer! Et dans la clarté : une multitude de hublots encerclent tous les lieux de vie, des flancs au plafond, lui-même parcouru d’éclairages nombreux et bien placés. Le cuir fait écho aux inox polis entre deux panneaux de bois clair au vernis mat. La chambre propriétaire, dotée d’un bureau très pratique dans la version trois cabines, dispose d’une vraie penderie et de placards-coffres profonds. La salle de bains, dont la cabine douche est nettement séparée, jouxte une penderie à ciré escamotable dont on n’imagine pas qu’on puisse en effet la loger ailleurs et la lumière du jour baigne le tout.

En résumé, le SO 469 exhibe sans complexes le trousseau d’un bateau dont l’impertinence tient à ce qu’il a réponse à tout.

FICHE TECHNIQUE

Longueur hors tout : 46 pi 1 po / 14,05 m
Longueur de coque : 44 pi 9 po / 13,65 m
Largeur : 14 pi 8 po / 4,49 m
Tirant d’eau : 7 pi 4 po / 2,24 m
Déplacement lège : 23 830 lb / 10 809 kg
Surface de voilure : 1136 pi2 / 105,5 m2
Réservoir d’essence : 63 gal / 240 litres
Réservoir d’eau : 162 gal / 615 litres
Motorisation : Yanmar 54 ch

Par Thierry Montoriol

* Essai provenant de la parution Essais 2014 du magazine Québec Yachting.