Essai du Jeanneau Leader 36 : L’oasis à géométrie variable

L’exemple vient d’en haut. Comme souvent, lorsque le succès vient couronner le lancement d’une unité audacieuse, les chantiers tentent de décliner le principe pour le rendre plus accessible. C’est le cas de ce Leader 36 qui emprunte la voie tracée par le Leader 40. Passage réussi, même si avec 1,30 m de moins le pari était difficile à tenir. En confiant le dessin de la carène en V à M. Peters et le design au cabinet Garroni, Jeanneau s’est assuré de solides compétences sans entraver la volonté d’innover. Ce qui donne un bateau facile à manier, très évolutif, rapide mais confortable. La coque passe bien dans l’eau, ce qui autorise la jouissance d’un double bain de soleil, d’un sofa méritant son nom sur le pont et, en général, d’une circulation aérée sans son aménagement intérieur, qualifié de « deux volumes et demi ».

Pour accentuer la vocation familiale, le nouveau Leader a été doté de trois couchages dans la cabine arrière et d’une cabine de douche séparée qui simplifie la vie de tout le monde. Côté performance, la docilité des deux 300 ch (essence sur le modèle de base, mais on peut opter pour un Volvo Diesel) satisfait le plus exigeant. Notons au passage un exceptionnel rayon de braquage, même à grande vitesse. Sans les cabrioles inconfortables qu’on peut trouver chez d’autres. La timonerie est d’ailleurs bien dimensionnée, le barreur installé sur une banquette et demie (encore…) : particulièrement plaisant, le dos bien calé et les commandes à portée du geste naturel. L’immense pare-brise doté de deux essuie-glaces facilite les évolutions par tous les temps.

De la mer jusqu’au ciel

C’est l’impression que dégage l’ensemble du carré étendu au cockpit : la luminosité. Rien ne fait obstacle au regard de quelque côté que l’on se tourne, y compris vers le ciel si l’on ouvre le vaste toit dominant le poste de commande.

Le pont arrière, réservé aux exercices hédoniques, favorise une vie de douceur programmée. À côté d’un évier-bac qui évite judicieusement de se transporter vers la cuisine, un immense sofa très confortable est tourné vers la mer. Une barre inox discrète permet de caler les talons en cas d’accélération tandis qu’on peut également relever la partie centrale pour s’accouder après la sieste. Les emplacements « violons » pour caler verres ou quarts sont d’une heureuse inspiration. Le même équipement, un peu moins large pour cause d’étrave, occupe la plage avant où triomphe le sentiment de griserie dès que la coque déjauge. Quant à la plate-forme de bain arrière, profonde et joliment lattée de teck clair, elle achève de donner à l’espace de vie une image qui tient plus de l’oasis que du mirage proposé par d’autres constructeurs. Cette French touch qui caractérise désormais la production Jeanneau est particulièrement bien visitée sur le Leader 36.

Le chef est roi

Centre névralgique de l’équipage, comme le compartiment moteur l’est au navire, l’espace cuisine est souvent appauvri au bénéfice des cabines où, finalement, on ne fait rien sinon se reposer. Ici, la cuisine donne son sens à l’art qu’on y exerce. Placée en pleine lumière et disposant d’un hublot ouvrant, elle rassemble autour d’elle tous les rangements dont l’artiste a besoin. La vaisselle trouve sa place naturellement au-dessus d’une paillasse qui aboutit à d’autres rangements. Le chef n’a besoin ni de se retourner ni de se baisser pour dénicher ses ingrédients. Certes, il n’y a qu’un seul bac, mais large et suffisamment profond pour se garantir des débordements. Une tablette est prévue pour le couvrir lorsque la vaisselle est faite, ce qui augmente d’autant la surface de travail. Le carré lui-même, inondé de lumière sur quatre côtés (dont le plafond), permet à cinq personnes de tenir les coudées franches autour de la table repliable. Les dossiers de banquette sont, enfin, montés largement au-dessus des reins quand la profondeur des sièges permet de s’asseoir sur les cuisses et pas seulement sur les fesses. L’air de rien, sur des unités modestes, c’est un vrai privilège.

L’ensemble est d’ailleurs imaginé sur un principe très nouveau et tout aussi astucieux. Ce que le chantier appelle « espace 2 ½ ». Le carré est donc partie intégrante de la cabine avant pour une moitié, mais le repas achevé et l’heure du repos arrivant, une cloison à double porte coulissante et, miracle, la cabine propriétaire devient une suite, récupérant banquette, table et bibliothèque en face des hublots de coque. Sans mentir, on se croirait dans la cabine d’un 60 pieds, avec perspective de souper intime ou de break champagne au milieu de la nuit. L’escamotage est assez spectaculaire. Le lit double de dimensions généreuses est peut-être légèrement perché, mais le sentiment d’exil protégé dans un si vaste volume gomme vite ce travers acceptable. Ladite intimité est d’ailleurs renforcée par l’éloignement de la cabine arrière, avec le carré au milieu qui fait tampon aux bruits intempestifs. Il fallait oser. C’est très réussi. La cabine de douche et toilette trouve également sa place dans ce lieu tampon bien éclairé par un hublot ouvrant, doté d’un lavabo en forme de vasque qu’on eut préféré encastré, mais du plus bel effet esthétique.

En résumé, une unité qui ne trompe pas sur le menu, se transformant en carte à volonté sans supplément. Un bateau bourré de trouvailles audacieuses, facile à vivre comme à manier en mer sans craindre de châtiment. Une oasis familiale dédiée aux plaisirs devenus simples de la vie sur mer.

CARACTÉRISTIQUES PRINCIPALES
MOTORISATION :
Volvo Penta 2 x D4 – 300 DP (2 x 300 ch)
Volvo Penta 2 x D4 – 260 DP (2 x 260 ch)
Mercruiser 2 x 5.7 350 MAG (2 x 300 ch)

SPÉCIFICATIONS GÉNÉRALES
Longueur hors tout : 37 pi 7 po / 11,47 m
Largeur : 11 pi 10 po / 3,62 m
Déplacement lège : 14 586 lb / 6616 kg
Tirant d’eau : 2 pi 5 po / 0,75 m
Réservoir d’essence : 146 gal US / 550 litres
Réservoir d’eau : 42 gal US / 160 litres
Cabines : 2

Par Thierry Montoriol D’Entrayigues
Photos : Par Jérôme Kelagopian

*Essai publié dans le magazine Essais 2016 de Québec Yachting.