Québec Yachting

Les splendides Sporades – Un archipel grec bien distinctif!

Photo 1 - Psara au beau milieu de la mer Egee escale obligee en route pour les Sporades

Psara, au beau milieu de la mer Égée, escale obligée en route pour les Sporades. Jadis prospère pour sa flotte marchande perdue aux mains des Turcs, l’île est passée à l’oubli malgré quelques beaux monuments, dont cette cathédrale orthodoxe en voie de restauration.

Samedi 16 juillet 2016, l’Europe vient d’essuyer deux coups durs! D’abord, les attentats de Nice, le 14 juillet, sur la promenade des Anglais; puis, il y a quelques heures à peine, la tentative de coup d’État en Turquie, présumément déjouée par les forces gouvernementales au moment d’écrire cet article! Hilda et moi avons l’impression de nous faufiler au travers de ces drames en tissant notre voie en fils d’or. Impossible de ne pas apprécier notre bonheur! Impossible par ailleurs de rester insensible et de ne pas éprouver un sentiment de tristesse et de frayeur face à toute cette violence inouïe, incompréhensible, aléatoire et gratuite.

Nous avons quitté la Turquie en mai, où Dance Me passe l’hiver, pour traverser dans les îles grecques. De l’île Symi, nous avons remonté l’archipel du Dodécanèse vers le nord et rejoint l’archipel des Sporades. Nous avons amorcé notre traversée de la mer Égée d’est en ouest, de l’île de Chios en passant par Psara, au beau milieu de l’Égée et du redoutable meltemi pour finalement rejoindre les Sporades par Skyros, la plus au sud des îles de l’archipel. Navigations confortables au portant, parfois musclées au près, Beaufort 4, 5, 6 et 7. La saison était choisie puisque cette période de l’année bénéficie à l’occasion de vents du sud et le meltemi, alimenté par les vagues de chaleur du sud n’a pas pris toute sa force.

Les Sporades sont aussi appelées les « Sporades du Nord » par distinction des Sporades de l’Est qui se situent près des côtes d’Asie Mineure et du Dodécanèse que l’on appelle occasionnellement les « Sporades du Sud ». Les Sporades du Nord, qu’on appellera tout simplement dans cet article « les Sporades », se situent au nord-ouest, en mer Égée. Composées d’une douzaine d’îles dignes de mention, les Sporades sont parsemées, comme leur nom l’indique, en croissant de la pointe de la péninsule de Trikeri jusqu’à 40 mn au sud de l’imposant mont Athos qui, lui, culmine à plus de 2000 mètres au-dessus de la mer.

Photo 2 - Souper en tete a tete chez la reputee taverna Agnanti a Glossa surplombant le port de Loutraki et les environs de l ile de Skope

Soirée mémorable! Souper en tête à tête chez la réputée taverna Agnanti, à Glossa, surplombant le port de Loutraki et les environs de l’île de Skopelos.

Les Sporades se caractérisent par une végétation luxuriante et verdoyante, ce qui contraste avec les parois arides et dénudées des Cyclades et des îles du Dodécanèse. La proximité des îles les unes par rapport aux autres confère une atmosphère et un panorama remarquables et d’une grande beauté. Elles constituent aussi un endroit idéal pour apprivoiser la Méditerranée, car ici le meltemi souffle rarement et les mouillages où trouver refuge sont nombreux et rapprochés. Les plans d’eau, souvent à l’abri des vents dominants du NNE et des vagues, offrent des conditions de voile exceptionnelles. C’est sans doute ce qui explique la popularité des lieux et la présence de nombreuses bases de charter. Les grands opérateurs y sont assez bien représentés. Seafarer.gr organise des croisières d’une ou deux semaines en flottilles encadrées, avec instructeurs et capitaines, sur des unités de 32 à 39 pieds, une bonne façon de prendre de l’expérience et de l’assurance. L’archipel est particulièrement achalandé en période de vacances, soit juillet et août. Il est donc fortement recommandé d’y aller soit en mai-juin, soit en septembre-octobre où la météo est tout aussi agréable et les mouillages souvent déserts.

Les Sporades n’ont jamais été des facteurs importants dans les grands courants historiques en raison du fait qu’elles ont été à l’écart des principales routes commerciales. Ainsi, elles ont peu à offrir au plan archéologique. Seule Skyros, plus au sud, sur la route entre Athènes et l’Asie Mineure, aura bénéficié de sa position stratégique et des échanges commerciaux en découlant. L’île possède le plus ancien site préhistorique de l’Égée. Le village de Palamari, situé tout au nord de l’île, en cours d’excavation et ouvert aux visiteurs, date de 5000 ans av. J.-C. Le village et son port bien organisé connurent leur heure de gloire à l’âge du bronze, soit entre 2550 et 1650 av. J.-C.

Photo 3 - La bibliotheque d echange de livres installee sur le quai et combien frequentee du port de Linaria sur Skyros

La bibliothèque d’échange de livres, installée sur le quai et combien fréquentée du port de Linaria sur Skyros.

Par ailleurs, le gouvernement grec a déclaré les Sporades « réserve faunique » en 1992 afin de protéger le phoque moine méditerranéen en voie de disparition. Le territoire protégé s’étend d’Alonissos (à l’ouest) à Piperi (à l’est) et comprend six îles et leurs îlots adjacents. La réserve profite du même coup à une grande diversité d’oiseaux et d’animaux marins. Le domaine est peu fréquenté et demeure un endroit idyllique qui commande le plus grand respect.

De plus, la faune et la flore de l’île de Skyros, non incluses dans le territoire protégé décrit précédemment, ne sont pas de reste. Étant sur la route des grands migrateurs d’Europe et disposant d’importants milieux humides, l’île accueille de nombreuses variétés d’oiseaux, dont le faucon d’Éléonore et les petits martins-pêcheurs. Ajoutez ses hordes de chevaux sauvages et ses milliers de chèvres et de moutons et vous voudrez y séjourner quelques jours pour peu que vous soyez amateur de trek ou de nature.

Au Moyen Âge, les îles furent des proies faciles au piratage. C’est ainsi que pour échapper aux prédateurs, les habitants se sont réfugiés dans des villages fortifiés, au centre des îles. Ce n’est qu’au début du 19e siècle qu’ils sont revenus en bord de mer. Quelques exemples de villes fortifiées, souvent abandonnées, constituent en soi des treks intéressants et aux panoramas saisissants. La Chora de Skyros, avec ses rues étroites, ses restos et ses boutiques, mérite de s’y arrêter.

Photo 4 - Caiques de pecheurs classiques si caracteristiques au decor des iles grecques

Caïques de pêcheurs classiques si caractéristiques au décor des îles grecques.

Notre croisière dans les Sporades aura duré 15 jours avec, comme première escale, le petit port de Linaria sur Skiros. L’accueil est remarquable. Le maître de quai surveille votre approche et vient à votre rencontre au large pour s’informer de vos intentions, vous assigner une place en fonction des dimensions du bateau et vous décrire les procédures propres à leurs installations. Quand vous êtes fin prêts, il vous accompagne avec son annexe jusqu’à votre emplacement. Une fois installés, il prend en charge tous vos besoins : eau, électricité, lessive, propane, diésel, location d’auto, prévisions météo, etc. Une bibliothèque en plein air d’échange de bouquins est mise à la disposition des marins sur le quai. Ici, tout a été pensé, organisé et merveilleusement bien entretenu. Et quoique les installations ne soient pas nécessairement récentes, tout est nickel et tout fonctionne! Plutôt rarissime en Grèce où seule l’exception fonctionne.

Reconnue pour ses élevages, ici la chèvre est une spécialité de l’île et au menu de tous les restaurants. Ne manquez pas la chèvre au citron du resto O Pappous Kai Ego (Chez mon grand-père et moi), tendre, goûteuse, savoureuse et sans comparable!

Le festival annuel de Skyros sur le thème de la chèvre s’inspire du culte d’Achille, parti de l’île de Skyros pour la guerre de Troie. De jeunes hommes travestis (Achille fut déguisé en fille toute sa jeunesse pour éviter de combattre à la guerre de Troie!), portant des masques de chèvre et habillés de peaux de chèvre, festoient, chantent et récitent des poèmes jusqu’au petit matin. Toute l’île y prend part. L’événement se tient chaque année, les deux derniers dimanches avant le carême, soit sept semaines avant Pâques. Rappelons que la religion orthodoxe occupe toujours beaucoup de place en Grèce et sur les îles en particulier.

Nous quittons à regret Skyros, ses habitants et ses restaurants. Prochaine escale : l’île de Skantzoura, inhabitée et sauvage. Mouillage forain, BBQ et baignade à profusion. Ici, quelques pêcheurs venus étendre leurs filets y séjournent. La nuit venue, l’obscurité totale nous incite à déployer le bimini pour un souper sous les étoiles, sous l’œil vigilant des satellites qui sillonnent le ciel. Nous repartirons le lendemain pour Peristera où nous jetterons l’ancre dans la grande baie de Vasiliko. Il s’agit d’un autre magnifique et paisible mouillage forain où seul le son des clochettes des chèvres vient briser le silence. Nous repartirons de notre mouillage pour traverser le corridor d’à peine 2 milles nautiques qui sépare l’île de Peristera de celle d’Alonissos pour mouiller tout juste en face, à Steni Vala, tout petit hameau où quelques restaurants sont alimentés quotidiennement en poisson frais par les pêcheurs locaux. Ici, la vie coule de source et les habitants se montrent particulièrement accueillants et avenants.

Photo 5 - Charmante chapelle orthodoxe perdue en pleine campagne impeccablement entretenue et toujours ouverte aux passants

Charmante chapelle orthodoxe perdue en pleine campagne, impeccablement entretenue et toujours ouverte aux passants.

Nous remonterons le corridor qui sépare Alonissos, de Peristera vers le nord, pour contourner l’île de Panagia par l’est et relier un mouillage exceptionnel, la baie de Planitis, tout au nord, complètement enclavée et accessible par un étroit passage. Ici habite un berger, ses chèvres, ses moutons, quelques vaches et son taureau. La tranquillité des lieux invite à y passer quelques jours. Nous quitterons notre petit paradis par l’ouest, cette fois-ci pour compléter le tour de l’île et redescendrons le couloir entre Peristera et Alonissos pour nous arrêter à Patitiri. Là, nous rencontrons quelques difficultés à nous amarrer à quai, vu la configuration des lieux. Plusieurs voiliers nous succédant tenteront leur chance au même endroit, mais sans succès. Nous décidons de jeter l’ancre dans l’enceinte du port en espérant ne pas interférer avec les manœuvres des nombreux traversiers qui y font escale.

Nous quittons avec plaisir Patitiri, cette fois pour nous arrêter à Neo Klima, joli petit hameau de l’île de Skopelos, puis à Loutraki, principal port de Skopelos, où nous mouillerons encore une fois dans l’enceinte du port, protégée par sa longue jetée. Nous passons une réservation à la taverna très courue Agnanti de Glossa, perchée en hauteur et surplombant le port et ses environs. Souper mémorable sur notre petit balcon privé, entouré de verdure. Nous y dégusterons les spécialités « nouvelle cuisine grecque ». Nous saluerons à la sortie son propriétaire, Nicolas, qui sur-le-champ et en guise de remerciement s’empressera de demander à sa maman de nous apporter un pot de marmelade de prunes de sa confection. Voilà que nous repartons sourire aux lèvres!

Nous quittons deux jours plus tard Loutraki pour notre dernière escale dans les Sporades, cette fois sur l’île très touristique de Skiathos. Ici règne une atmosphère de vacances. Dans le port où nous nous sommes mis à quai, nous assistons au ballet interminable des traversiers qui déposent des centaines de touristes, souvent des adolescents britanniques ou européens, et qui en reprennent tout autant sur le retour. Hilda profite de la présence d’un coiffeur sur un bateau voisin pour rafraîchir sa coupe de cheveux. Zeb, figaro de métier, acceptera l’invitation avec plaisir, mais il refusera catégoriquement de se faire payer! Nous passerons deux jours sur Skiathos pour prendre le pouls et en profiterons pour nous offrir un souper dans un petit restaurant de quartier du vieux Skiathos, recommandé par des locaux. Au menu : boulettes de tomates assaisonnées, champignons farcis et pieuvre au vinaigre, demi-litre de rouge maison. Délicieux! Le tout pour 29 euros, taxes et pourboire inclus! Dur à battre!

Nous quittons Skiathos le 12 juillet avec la ferme intention de revenir dans les Sporades. Notre croisière nous aura permis de découvrir une autre magnifique facette de la Grèce, des paysages à couper le souffle, des gens admirables, affables et sympathiques qui, en s’adressant à vous, vous regardent toujours droit dans les yeux comme pour vous transmettre un peu d’eux-mêmes!

Nous amorçons notre retour vers le sud par le canal de Trikeri pour ensuite emprunter le golfe de Vólos et passer le pont rétractable de Chalkis de nuit. Nous poursuivrons notre descente vers le sud par le golfe de Notios, entre l’île d’Evia et le continent grec, pour rejoindre l’île d’Andros et les Cyclades vers le 20 juillet. L’aventure se poursuit!

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Hilda et Jacques sur Dance Me

Hilda et Jacques naviguent en Méditerranée depuis 2005. Pour tout commentaire ou toute information supplémentaire, n’hésitez pas à leur écrire un courriel à j.chalifour@chalifourcom.com.

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Photo 6 - Paisible coucher de soleil sur l ile inhabitee de Skantzoura apres une journee bien remplie

Paisible coucher de soleil sur l’île inhabitée de Skantzoura après une journée bien remplie.

Ce qu’on retient des Sporades

D’abord, le climat super confortable et généralement sec ainsi que l’absence de moustiques, fait plutôt exceptionnel à cette période de l’année alors que les grandes chaleurs frappent déjà les côtes de Turquie et que les éclosions se multiplient.

Le côté sauvage des îles avec leurs flancs de montagne verdoyants, leur faune et leur flore les plus riches des îles grecques, à l’exception peut-être des Ioniennes, du côté de l’Adriatique.

Les conditions météo, les vents généralement modérés et la configuration des plans d’eau en font un endroit agréable à naviguer. La multiplicité et la proximité des mouillages rendent les Sporades sécuritaires.

L’authenticité des grecs, l’accueil, la qualité de la cuisine locale à peu de frais et le dépaysement attribuable à l’absence de touristes.

On aime moins

L’absence d’histoire, en comparaison des autres îles grecques, compensée par ailleurs par la beauté naturelle des Sporades.

L’encombrement des mouillages en juillet-août qui nous incite à recommander d’y aller en mai-juin ou en septembre-octobre.

Pour se rendre dans les Sporades et y louer un voilier 

  1. Vols Montréal-Athènes.
  2. Athènes-Piraeus ou Lavrion par transfert.
  3. Traversiers vers Skiathos/Skopelos où vous pourrez prendre possession de votre voilier en formule charter.

Alternativement : Athènes-Trikeri (golfe de Vólos) ou Skiathos ou encore Skopelos par avion, vol régional.

Par Jacques Chalifour
Photos : Hilda Luyt

*Cet article a été publié dans le magazine Automne 2016 de Québec Yachting.