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REPORTAGE

24 ÉTÉ 2011 QUÉBEC YACHTING

REPORTAGE

25 QUÉBEC YACHTING ÉTÉ 2011

PAR ROBERTO FORTIN

PHOTOS : JEAN BOISVERT ET PIERRE BOISVERT

PAR ROBERTO FORTIN PHOTOS : JEAN BOISVERT ET PIERRE BOISVERT

I

l a 68 ans, mais son regard est celui d’un jeune homme de 30 ans, intense et saturé de rêves, de projets et d’optimisme. Pierre Boisvert est d’une trempe rare. Son épouse, Carmen Boulay, a l’allure d’un pilier à ses côtés. Les deux forment une paire exceptionnelle. Il avait un rêve démesuré. Elle lui a fourni un appui à sa mesure.

Le parcours de Pierre est à la fois discret et spectaculaire. Depuis toujours, cet ancien musicien de Pierre Lalonde et mécanicien d’Air Canada réalise seul des projets immenses dans des espaces minuscules. Après 17 années de travail solitaire, monastique et méticuleux, il termine en ce moment à Sorel-Tracy un bateau vaste comme une maison, sobre

comme une demeure et blanc de la proue à la poupe. L’Aventurier-1 est un catamaran motorisé de 58 pieds de long, 21 pieds de largeur et autant en hauteur. En bon grand-père, Pierre Boisvert a conçu ce bateau pour accueillir sur trois niveaux toute sa famille d’un seul coup, enfants, conjoints et petits-enfants inclus, au moins dix personnes en même temps. À la barre de ce petit géant des mers, il partira bientôt pour plusieurs années vers les Caraïbes avec son indéfectible compagne et soutien des 44 dernières années. Carmen Boulay est infirmière, une vocation plus qu’une profession. Il lui a fallu beaucoup de patience, de courage et de détermination pour soutenir son homme sans répit durant ces 17 longues années. Voici le bref récit d’une longue histoire, celle d’un modeste conquérant et d’un couple hors de l’ordinaire.

Les multiples cordes de sa guitare

La vie de Pierre Boisvert est une partition à plusieurs portées, en contrepoint. Elle est à la fois maritime, aérienne et musicale. Formé à la manière classique, Pierre Boisvert a gratté sa guitare à Jeunesse d’aujourd’hui sur

Télé-Métropole . Il a aussi participé aux

émissions Music-Hall, avec Élaine Bédard, sur Radio-Canada, et à de nombreux concours pour les grandes radios privées de l’époque, qu’il a tous remportés d’ailleurs. Il était membre du groupe les Three Sharpes, qui a connu quelques succès sur disque au début des années soixante et a même été élu découverte de jazz canadienne de l’année en 1966. C’est d’ailleurs lors d’un spectacle de Pierre Lalonde à Shawinigan qu’il a rencontré Carmen. Coup de foudre : rencontre en juin et mariage en août. Les deux ont instantanément formé une paire, inséparable depuis.

La portion publique de la carrière musicale de Pierre a pris fin au Cabaret la Grande Hermine, sur le Chemin de Chambly, après 69 semaines de spectacles continus. Raz-le-bol et lassitude, la nouveauté, qu’il aimait tant dans ce métier, n’était plus au rendez-vous. Il décide alors de retourner sur les bancs d’école compléter ses sciences pures. La guitare sera désormais une affaire intime, réservée à ses proches, aux oreilles attentives de son entourage, près des quais, où il préfère se retrouver.

Trente ans de préparation et de travail

De ses souvenirs les plus distants, Pierre Boisvert se remémore le désir irrépressible qu’il avait de naviguer. Dans son imagination de petit garçon, chaque mare était un lac et la rivière des Prairies, au bord de laquelle il

a grandi, un fleuve à part entière débouchant sur l’infini. Il a construit son premier bateau à 20 ans, à partir d’un plan fourni par le magazine Mécanique populaire , dans le sous-sol de la demeure familiale, devant un père ahuri, qui s’interrogeait sur la manière dont cette grande chaloupe passerait le goulot de la porte. Il avait méticuleusement assemblé sa création de manière à la désassembler plus tard et à la remonter au grand air, le temps venu. Cette technique fondatrice servira de modèle à tous ses projets futurs. Long de 14 pieds et équipé d’un moteur de 25 forces, ce runabout fera office de navire d’occasion en attendant que les rêves suivent leur cours. Mais l’idée de construire un vrai navire avait pris racine. Elle ne quittera plus Pierre Boisvert.

Bien avant de dessiner l’Aventurier-1 , plusieurs projets et maquettes avaient surgi de l’imagination de notre homme, qui avait toutefois besoin d’en savoir plus. Pour arriver à concevoir un bateau qui tient le fleuve ou la mer, il faut plus qu’un plan, quelques habiletés et l’esprit d’aventure. Pierre Boisvert a donc patiemment accumulé toutes les connaissances pertinentes au projet qui germait en lui. Pendant environ cinq ans, le soir et durant ses jours de congé, il suivra des cours de conception de carène, de dessin industriel sur logiciel et de soudure, qui s’ajoutaient à ses connaissances en mécanique, en électronique et en électricité. Il faut savoir que Pierre avait entamé dans sa jeunesse des études d’ingénierie à l’École polytechnique et les avait abandonnées, question de revenus. Il avait simultanément déposé une offre de service chez Air Canada, et le goût de la paye s’est avéré trop appétissant. Notez quand même qu’il a eu le temps de gober tous ses manuels avant de les ranger.

Le deuxième bateau prendra forme à Ville Saint-Laurent en 1974, dans le sous-sol d’un duplex dont Pierre et Carmen louaient le premier étage. Ce sera un voilier, un dériveur avec quille rétractable d’une longueur de 23 pieds. L’espace qu’il louait à la cave mesurait à peine 25 pieds. Le locataire du rez-de-chaussée, las d’entendre les outils tourner et inquiet de ce que tramait le jeune couple au sous-sol, a un jour demandé une visite et s’est heurté sur l’étrave en ouvrant la porte. Ébranlé par la démesure, son regard exprimait un gigantesque point d’interrogation : comment allez-vous sortir ça d’ici? Comme pour le premier bateau, le deuxième est sorti morceau par morceau. Ce sera le voilier de balade de la famille pendant plusieurs années. Pierre aimait bien ce petit dériveur, Carmen un peu moins. Le roulis l’agaçait et elle n’aimait pas trop planter ses ongles dans le chêne des boiseries pour maintenir son équilibre.

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