Québec Yachting

Swift Trawler 44 – Pour deux pieds de plus…

Fruit de l’élargissement d’une bonne idée, le Trawler 44 de Bénéteau s’inscrit dans un éventail esthétique qui va du patrol unit qu’on voyait autour de Flipper le dauphin au lignier de barracudas de Floride avec sa dégaine haut perchée. Après avoir obtenu un franc succès avec le 42 (environ 500 exemplaires vendus), le chantier vendéen a décidé de rattraper les clients qui voulaient plus de confort sans pour autant foncer tête baissée vers des unités démesurées.

Ce sont deux petits pieds supplémentaires qui vont faire la différence. Ces 66 cm rajoutés permettent de loger une cabine d’invités qui peut porter son nom, gagnant en hauteur sous barrots grâce au passavant bâbord sérieusement raboté à 32 cm et surélevé de trois marches. Le même double pied a également permis de rallonger, mais cette fois d’un mètre, le flybridge désormais pourvu d’une seconde banquette. Enfin, pour approcher la catégorie « vedette » et s’affranchir de l’image pépère du trawler ordinaire, la carène à semi-déplacement autorise le déjaugeage et rend ainsi l’allure de croisière beaucoup plus confortable.

Car c’est bien ce que l’on cherche avec ce bateau étonnant : dupliquer le confort de la maison à bord, mais rendre à la navigation une fluidité que ne peuvent offrir les carènes à déplacement, contraintes d’écarter l’eau en poussant la vague. Le principe exige beaucoup de puissance pour atteindre le seuil (au moins 12 nœuds), mais les flaps prennent ensuite le relais, bien épaulés par le double moteur de 300 ch Volvo D3. On peut ainsi atteindre des vitesses de croisière élevées, autour de 18 nœuds, sans à-coups et avec une consommation raisonnable (50 litres/heure à partir de 13 nœuds). La carène est alors sortie de l’eau d’un bon tiers, guidée par une fin de quille caudale plongeant après le maître bau. L’autre avantage de ce semi-déplacement est de permettre des virages pratiquement à plat avec, néanmoins, un rayon de giration naturellement plus élevé.

L’ensemble est plaisant au regard, assez militaire d’allure, et dotant l’équipage d’un point de vue très élevé sur l’eau. En revanche il paraît inévitable de parer les inconvénients d’un fardage important, contrariété masquée par l’habitabilité vraiment surprenante. La cabine propriétaire, dans la pointe, dispose d’un beau volume, encore accentué par le lit double (215 x 180) assez près du plancher. C’est un peu contraire aux normes américaines, de plus en plus soucieuses d’éviter le couple de redressement (…) qu’affranchit un lit haut sur pattes, mais le coup d’oeil y gagne.

Les hublots sont correctement dimensionnés, tout comme les deux penderies et un placard convenable. La salle d’eau est bien raisonnée, avec son WC privé, son grand miroir rétro éclairé et sa douche délicieusement rétro, en plus d’un caillebotis séduisant. L’espace privé de ces deux cabines est heureusement desservi par une coursive rappelant de plus grands navires, elle-même séparée du pont par une volée de marches qui accentuent l’impression de pénétrer dans un abri douillet et bien protégé.

Le carré rassemble la timonerie, la cuisine et un petit salon choupinet en diable avec ses stores jalousies parfaitement romantiques. La timonerie n’a rien à envier au modèle de 52 pieds de la gamme, proposant, autour d’une barre à roue joliment nostalgique, des commandes chromées bien placées (mais encore réservées aux droitiers) et surtout un siège de pilote intelligemment pensé. Outre les cale-pieds dont on n’a heureusement pas fait l’économie, il peut replier son nez formant ainsi un confortable appui à celui qui aime barrer sportivement debout. Pour les modestes en taille, le plancher s’élève de 15 cm sur ses charnières dans une louable attention. Une porte latérale permet au pilote d’entrer directement au poste de commande, malheureusement pas encore par une coupée qui serait singulièrement bienvenue.

La grande différence avec le modèle de 42 pieds est sous les yeux : le pare-brise est désormais carré et vertical! Ce qui, outre un gain de place important qui se fait sentir jusqu’au flybridge, ouvre un panorama presque sans obstacle sur 270 degrés. L’effet est saisissant.

La cuisine a été énergiquement redessinée sur une forme en U beaucoup plus pratique, dotée d’un réfrigérateur peut-être un peu modeste pour les dix personnes que le 44 prétend accueillir, mais entourée de nombreux placards qui gommeront la tracasserie sans effort. La paillasse, façon granit reconstitué, est du plus heureux effet. Le four s’ouvre dans le sens inverse de la marche, la porte ne venant pas sournoisement s’ouvrir dans les jambes du commis aux vivres et la vue sur le large est assez dégagée pour transformer un honnête cuisinier en gâte-sauce. Ce qui est un compliment et une excuse à lui adresser…

Le carré lui-même est assez prodigieux, dessiné par Pierre Fretschi sur le mode terrien, avec un véritable canapé qui se transforme en un non moins véritable lit double convertible (194 x 124 cm). La cabine ainsi créée s’isole avec un rideau, à l’ancienne. De jour, l’endroit oblige à exprimer sa gratitude. De nuit, on hésite entre le night club chic et le lounge d’aéroport.

En quittant à regret ce beau jouet de haute mer, on glissera avec envie un œil sur la timonerie panoramique, juchée dans l’espace, entourée de banquettes de club, dominée par le puissant mât de charge et son annexe suspendue, seul lien avec la terre dont on veut s’éloigner pour mieux la découvrir.

FICHE TECHNIQUE

Longueur : 13,88 m / 45 pi 6 po
Largeur : 4,25 m / 13 pi 11 po
Déplacement : 10895 kg / 24019 lb
Réservoir de carburant : 1400 litres / 370 gal US
Réservoir d’eau : 640 litres / 169 gal US
Architecte naval : M. Joubert & B. Nivelt
Architecte et design intérieur : Pierre Frutschi

Thierry Montoriol

* Texte provenant de la parution Essais 2012 du magazine Québec Yachting.