Québec Yachting

Essai du Beneteau Gran Turismo 40

Photo 1 - Beneteau Gran Turismo 40

Photo 2 b - Beneteau Gran Turismo 40On ne sait jamais. Les goûts changent et la tendance pourrait évoluer dans une direction imprévisible. Alors, pour ne pas laisser ses principaux rivaux comme Bavaria, Rio, Galeon et même Jeanneau lui chiper le haut de l’escalier, Beneteau a décidé de revisiter les fleurons de sa flotte. Après un sérieux lifting de ses vedettes Monte Carlo, le chantier vendéen a décidé de renouveler sa gamme sur le marché très convoité des vedettes sportives de croisière. D’où ce Gran Turismo 40, résolument conçu comme un top model, avec la même arrogance, les mêmes étincelles et la même assurance. Il ne s’agit pas de chirurgie esthétique, car cette vedette offre de réelles nouveautés techniques sans se départir du panache qu’une longue pratique de l’excellence impose. Au chapitre du « pas encore vu », on remarque immédiatement une ligne plus agressive que d’habitude, un parti pris design audacieux et très « italien » ainsi qu’une carène dotée du nouveau Air Step 2.

Pour l’agencement et les couleurs, Beneteau a fait appel au cabinet Nuvolari & Lenard à l’extérieur et Pierangelo Andréani à l’intérieur. Avec ceux-là, il ne faut pas s’attendre à une banale customisation. Pour le dessin de carène, la compétence des ingénieurs maison ayant démontré son efficacité, la conception est restée au bureau d’étude de l’entreprise. À eux le soin d’améliorer encore le procédé Air Step, qui s’appuie sur un coussin d’air diminuant la traînée et donc l’adhérence. Le nouveau Air Step 2 promet une vélocité encore accrue et une économie de carburant supplémentaire. Avec deux fois 370 ch Z-drive de poussée et une coque qui donne de frénétiques envies de vitesse, l’intention est charitable. L’avantage de la nouvelle version est de permettre des braquages serrés sans que la gîte soit excessive, la coque bien accrochée à la surface, dans un sentiment de confort surprenant.

Quand la plage plonge sous l’eau

Comme tous les speed cruisers, l’espace cockpit plage arrière est sur le même plan, mais ici l’esprit open domine sans que l’équipage soit balayé par le vent. Les vitres latérales se lèvent et disparaissent comme dans une voiture, le hard-top coulisse pour découvrir les étoiles ou le soleil, la lumière pleut de tous les côtés. Pas décoiffant du tout. Sous le roof en arc prennent place une large banquette piquée d’élégants losanges, un placard-bar avec main courante et un joli bain de soleil, une fois la table escamotée (1,90 m x 1,65 m). La véritable innovation est plus loin. La plateforme de bain arrière, en petites lattes de teck sur 1,30 m de profondeur, possède un surprenant privilège : disparaître sous l’eau de près de 10 centimètres! On devine très vite les nombreux avantages qu’offre à la commande cet ascenseur marin : laisser le baigneur sortir de l’eau sans aucun effort, en se laissant glisser sur le bois ou même y amener l’annexe en douceur avant de faire remonter l’ensemble hors de l’eau. Spectaculaire et (quand ça existe) en général réservé à des unités beaucoup plus importantes. C’est aussi là que se loge une barre de cuisine avec gril jouxtant un évier. Le chef a les yeux face à ses hôtes et la place est bonne pour faire cuire les produits de la pêche sans passer par un écaillage intérieur. En longeant les passavants bien protégés, on accède à un autre bain de soleil face à l’étrave. Très confortable (4 m2) il peut redresser ses dossiers pour un appui plus contemplatif. Mais pas en route, le timonier ne verrait plus rien! Ce dernier est d’ailleurs le mieux bichonné de tout l’équipage. Le poste de contrôle brille de tous ses inox gainés de cuir fauve. Il propose un large fauteuil qui peut lui aussi s’escamoter si on préfère barrer debout. Un siège de navigant lui est adjoint, histoire de ne pas s’ennuyer pendant que la croisière s’amuse. Qui a déjà fait de longues traversées n’ignore pas qu’on finit par se sentir bien seul à veiller sur la route en tournant le dos aux invités, comme le pianiste de bastringue aux fêtards qui s’enivrent de sa musique.

Un décor plus romain que vénitien

La descente excentrée sur bâbord permet d’accéder au pont inférieur où se trouvent deux cabines, dont l’une, celle du propriétaire, se défend mal de vouloir ressembler à une chambre d’hôtel de Las Vegas. La seconde est plus monacale d’aspect, mais propose une parfaite gestion de l’espace pour deux invités, avec de larges tablettes et une vue réjouissante sur la mer. Les tons choisis vont du noyer mûr à la taupe adolescente, le parti esthétique général empruntant à l’esprit italien, plus romain que vénitien. La dînette peut accueillir une double paire de passagers. Il ne faut pas oublier la vocation sportive de ce speed boat qui n’est pas un bateau de croisière pépère, mais une luxueuse machine à sensations. C’est pourquoi le coin cuisine est d’aspect fonctionnel, sans être rudimentaire. La salle d’eau est du même tonneau, comme on dit au bord du Saint-Laurent, et si on se la partage, elle n’en est pas moins judicieusement pensée avec vasque, rangements aisés à compartimenter (chacun sa trousse et tout le monde sera heureux) auxquels s’ajoute un hublot rond merveilleusement old fashion. Les toilettes sont séparées et disposent elles aussi d’un hublot ouvrant, rond à l’ancienne et chromé à la napolitaine. L’acquéreur appréciera la finition tout à fait lounge, comme le soin (rare) apporté aux poignées de placards et de porte. Le style voulu par Andréani et adopté par Beneteau montre ici une ambition plus urbaine que maritime. Ce qui fait que des invités débarquant du quartier chic Saint-Jean-Baptiste pour une virée grisante sur le Saint-Laurent ne seront pas dépaysés. Le Gran Turismo 40 est le compromis réussi entre la vedette high tech dotée d’un fabuleux attelage mécanique poussant 720 chevaux vers l’ivresse de la vitesse, un havre cristallin à l’escale et la corde d’une arbalète propulsant son équipage aux frontières de la croisière stellaire.

CARACTÉRISTIQUES PRINCIPALES
MOTORISATION :
2 x 370 ch (puissance maximale).

SPÉCIFICATIONS GÉNÉRALES
Longueur hors tout : 41 pi 7 po / 12,67 m
Largeur : 12 pi 8 po / 3,87 m
Déplacement lège : 17 489 lb / 7 935 kg
Tirant d’air : 13 pi 7 po / 4,15 m
Tirant d’eau : 3 pi – 3 pi 7 po / 0,91 m – 1,1 m
Réservoir d’essence : 2 x 86 gal US / 2 x 235 litres
Réservoir d’eau : 53 gal US / 200 litres

Par Thierry Montoriol d’Entrayigues

*Cet essai a été publié dans le magazine Essais 2016 de Québec Yachting.