Québec Yachting

Introduction avancée au système d’identification automatique (AIS)

Beaucoup de plaisanciers naviguent près du pont Jacques-Cartier à Montréal. Crédit photo : meunierd, Shutterstock.

Résumons l’article de l’hiver dernier concernant l’AIS (Automatic Identification System) qui est une composante de radiocommunication maritime reconnue internationalement et qui permet des échanges continus et autonomes d’informations de sécurité maritime ainsi que des données de navigation entre les différentes stations suivantes :

  • Stations terrestres
  • Navire obligatoirement équipé de toutes tailles (classe A, 25 watts RF)
  • Navire de plaisance (classe B, 2 watts RF)

En situation, un premier navire équipé d’un AIS en croise un deuxième aussi équipé; les deux navires retrouvent, sur leurs écrans respectifs, les informations de navigation suivantes :

  • Numéro ISMM : unique à chaque navire
  • Route sur le fond
  • Vitesse sur le fond
  • Vitesse de changement de cap
  • Position : latitude et longitude
  • Cap vrai du navire
  • Heure UTC
  • Statuts : à voile, à moteur, etc. (données non précises et modifiables seulement sur les appareils de classe A)

De plus, toutes les 6 minutes, le nom du navire est retransmis avec d’autres informations spécifiques au navire.

De ces informations, l’AIS nous procure ces trois indicateurs essentiels : le CPA qui indique la distance en milles nautiques du point de croisement le plus près entre votre navire et la cible; le TCPA qui quantifie en minutes le temps restant avant de croiser la cible; ainsi que le Target speed qui est la vitesse de la cible.

Autres types d’appareils AIS hors d’un navire

En plus des appareils AIS de classes A et B, il existe un autre type d’AIS un peu moins répandu qui est destiné à l’usage des navigateurs : les SART. Ils sont destinés à l’usage dans les radeaux de survie et comme bâton pour un homme à la mer. Ils incorporent une batterie d’une durée de 5 ans en mode latence, pouvant transmettre plus de 96 heures en mode transmission. Ils incluent aussi des indicateurs de batterie, d’état des composantes ainsi que le niveau de signal du GPS. Ce type d’AIS incorpore un bâton de 1 mètre qui peut se fixer sur un radeau de survie ainsi qu’un câble flottant de 10 mètres. Il s’agit en effet d’un standard mondial. Lorsqu’il est activé, cet appareil exceptionnel d’urgence transmet la position, la vitesse et le cap, 8 fois par minute, afin qu’une des transmissions se produise lorsque l’appareil se retrouve sur le haut d’une vague. Une façon plus sécuritaire que de pointer l’eau à la mer.

Le futur de l’AIS

Passons maintenant au futur de l’AIS, une classe à part qui commence à être utilisée et qui entre dans la catégorie des aides à la navigation, au même titre que les feux de jour, les bouées de chenaux et les bouées cardinales. Il s’agit des transmetteurs AIS ATON (de l’anglais Aids TO Navigation, de types réels, synthétiques ou virtuels (ATON). Les AIS ATON transmettent leur positionnement de la même façon qu’un navire, en utilisant leur propre numéro d’identifiant maritime, l’ISMM (MMSI en anglais). Ce numéro composé de 9 chiffres identifie clairement l’objet AIS. Ces transmetteurs émettent toutes les 3 minutes ou moins une brève transmission sur deux canaux AIS.

DIGiAToN, il s’agit d’un AtoN réel. Gracieuseté de Digital Yacht.

Voici les caractéristiques des trois nouveaux ATON :

  • ATON AIS de type réel : Les transmissions sont diffusées de l’emplacement physique de l’obstacle par un transmetteur AIS simple de basse puissance. Elles permettent de reconnaître une bouée ou d’autres éléments de navigation sur votre écran.
  • ATON AIS synthétique : Dans ce cas, la transmission provient d’une station fixe située à portée radio des récepteurs AIS, indiquant un obstacle réel existant sur les cartes marines (dédoublement).
  • ATON AIS virtuel : Il s’agit du même concept que le précédent, à l’exception que les signaux indiquent des obstacles et dangers isolés temporaires ou non, tels une épave ou des récifs. Il peut aussi s’agir de bouées de navigation additionnelles. Il permet une addition aux cartes afin d’offrir plus de précision et de sécurité aux navigateurs et capitaines de navire.

J’imagine que vous réalisez le futur extraordinaire et l’apport de ces appareils sur la sécurité nautique. Déjà que l’AIS est une innovation tellement intéressante lorsqu’on navigue. Actuellement, on retrouve des projets d’AIS synthétique tout près de nous, sur le fleuve Hudson. Certaines bouées sont même virtuelles. Fini les bouées qui se déplacent et les lourdes tâches de remplacement des bouées saisonnières. Le fameux Golden Bridge de San Francisco est balisé virtuellement déjà et ce n’est qu’un début. Les approches du Verrazano Bridge de New York, le fleuve Delaware et la baie de Chesapeake en sont de nouveaux exemples. Dans un contexte d’économie, les ATON sont là pour demeurer. Leur installation représente une fraction du coût d’installation et de maintenance d’un marqueur conventionnel. À plusieurs endroits, où historiquement les barges propulsées ou tractées par des remorqueurs frappaient régulièrement certains piliers des ponts, l’introduction d’un ATON permet dorénavant aux capitaines de mesurer précisément la distance entre les deux piliers, même à une grande distance!

Il ne reste qu’à faire accepter aux navigateurs amateurs l’achat des équipements appropriés. Je rappelle qu’il existe des récepteurs AIS qui reçoivent les transmissions des autres AIS et des transmetteurs AIS, permettant la réception des signaux et de se faire voir en transmettant (portée standard en classe B de 5-15 milles nautiques). Le standard international se décrit comme les IEC 62288 et IHO S-4.

Tous ces ATON peuvent aussi transmettre à l’occasion de la télémétrie, c’est-à-dire des signaux de météo locale en provenance d’une bouée météo ou des paramètres hydrologiques. 

Il existe une nouvelle forme d’ATON récemment mis en opération. Il s’agit du PATON (Private Aids to Navigation). Propriété d’entreprises, de marinas ou de services publics, ces nouvelles aides à la navigation se retrouvent principalement comme nouveaux feux de jour ou d’identification de structures, bouées éclairées ou non, bouées radar (RACON) ou de brume. Les PATON sont installés et entretenus par des entreprises indépendantes des autorités gouvernementales. En plus des signaux normaux, on peut retrouver du texte explicatif, telles certaines informations concernant des hauteurs de structures ou informations de marinas. En lisant et interprétant ce texte, vous comprenez le modernisme dans lequel se retrouvera le navigateur de demain.

Gracieuseté de Digital Yacht.

NAIS

Acronyme de Nationwide Automatic Identification System, le NAIS consiste en un réseau de plus de 200 récepteurs VHF stratégiquement situés le long des côtes américaines ainsi que certains fleuves du continent, d’Alaska, Hawaii et Guam. Le NAIS est conçu pour recevoir et collecter toutes le données AIS transmises dans les régions limitrophes des antennes de réception. Ces signaux incluent également toutes les transmissions en provenance des 58 ports principaux des États-Unis. Ils sont ensuite utilisés par les instances gouvernementales afin d’améliorer la sécurité et la gestion du trafic maritime. En janvier 2015, ce système permettait la réception de plus de 92 millions de signaux AIS par jour en provenance de plus de 12 700 navires, et ce, jusqu’à 2000 milles des côtes américaines.

En effet, cette dernière phase permet depuis 2008 aux USCG d’utiliser 6 satellites, dont un leur appartenant, et ayant été intégrés dans la constellation de 41 satellites existants de la compagnie de télécommunication Orbcomm afin d’améliorer grandement la réception des signaux AIS au large des côtes, et ce, jusqu’à 2000 milles. Orbcomm dispose d’un réseau mondial de transfert de données et est un concurrent direct des systèmes Iridium et Globalstar. Cette entreprise est présente au Canada par sa filiale SkyWave Mobile Communications.

Chez nous, au Canada, le NAIS ne fait que débuter. C’est depuis 2014 seulement qu’ExactEarth, une entreprise ontarienne ayant remporté l’appel d’offres du gouvernement du Canada, offre la nouvelle génération de NAIS à partir de l’espace. ExactEarth et Orbcomm, qui l’a rejointe depuis 2016, sont deux fournisseurs qui se partagent un contrat bien moins lucratif que prévu, permettant au pays de recevoir les signaux AIS de l’espace par le truchement de satellites commerciaux. Ces contrats de plusieurs millions de dollars chaque année sont le tampon temporaire dans l’attente du projet pancanadien de NAIS.

Spécifions que, depuis juin 2016, le gouvernement canadien a aussi son propre premier satellite AIS en orbite : le M3MSat. Il n’a rien à envier à ceux de nos voisins du Sud. Il croise les eaux canadiennes 10 fois par jour à l’écoute des signaux AIS en provenance des navires naviguant sur notre vaste territoire. Ce microsatellite de surveillance maritime et de messagerie, qui a environ la même taille que la plupart des lave-vaisselle domestiques, est le dernier engin spatial envoyé dans l’espace pour mettre à l’essai des technologies novatrices avant qu’elles soient utilisées lors de déploiement à plus grande échelle. Petit mais puissant, le travail du M3MSat consiste et vise à évaluer la capacité du Canada à localiser les navires et gérer le trafic maritime depuis l’espace. Ayant une double mission, le satellite teste également un dispositif qui pourrait changer la façon dont nous surveillons le bon état et la sécurité des satellites déjà en orbite, en surveillant le niveau d’électricité statique qui s’accumule dans les composants électroniques des satellites. Il s’agit du début d’une grande aventure pour le NAIS canadien.

Ce satellite a été construit par COM DEV International (maintenant Honeywell Canada), une entreprise établie en Ontario, avec le soutien de l’Institute for Aerospace Studies de l’Université de Toronto et de l’Université de Waterloo.

Parlons AIS spatial (Space AIS)

Plusieurs entreprises offrent l’AIS à partir de satellites en orbite, principalement afin de prévenir les abordages en mer, mais aussi pour les besoins de surveillance, recherche et sauvetage ainsi que protection de l’environnement :

Surveillance et sécurité évoluées

Les USCG utilisent le réseau Orbcomm afin d’améliorer la sécurité du pays et pour diffuser de l’information dans plusieurs agences de sécurité autour de la planète. En effet, ces services peuvent voir où chaque navire se trouve, où il va et quand il y sera.

Recherche et sauvetage améliorés

La transmission en temps réel permet la réception d’appels de détresse et la prise en charge rapide des opérations de sauvetage.

Gestion des flottes

En recevant les données AIS, les armateurs peuvent suivre la route, prévoir les délais, s’il y a lieu, et prévoir presque parfaitement l’heure d’arrivée de leur navire à bon port.

Contrer les actes de piratage

Puisque les actes de pirates augmentent en fréquence et agressivité, l’AIS spatial permet de réduire les risques en augmentant la sécurité maritime. La surveillance du mouvement des navires permet d’évaluer tous mouvements suspects et identifier les navires pouvant faire l’objet de piratage presque en temps réel, offrant plus de sécurité aux équipages et à la navigation dans ces zones à risque.

Support aux activités de pêche et surveillance environnementale

En procurant un accès facile aux données de la flotte de pêche, l’AIS spatial améliore la gestion des activités de pêche des administrations publiques qui sont plus en mesure de recevoir des informations précises des navires en opération de pêche illégale.

La suite logique

Plusieurs pays, dont la Norvège et l’Union européenne, sont incorporés dans ce vaste réseau mondial, même la station spatiale internationale qui a été mise à contribution afin de suivre le mouvement des navires. La plupart des pays auront accès au « Space AIS » d’ici quelques années. C’est un « plus » pour la sécurité des navigateurs et celle de leurs navires.

Sources

International electrotechnical commission maritime navigation and radiocommunication equipment and systems

Presentation of navigation-related information on shipborne navigational displays

General requirements, methods of testing and required test results 80/661/CD

fr.wikipedia.org/wiki/Syst%C3%A8me_d%27identification_automatique

www.navcen.uscg.gov/?pageName=NAISmain

www.ic.gc.ca/eic/site/smt-gst.nsf/fra/sf08534.html

www.asc-csa.gc.ca/pdf/eng/publications/space-policy/canadas-space-policy-framework.pdf

www.redorbit.com/news/business/1520930/from_russia_with_love_new_ais_satellite_for_us_coast

www.orbcomm.com/en/industries/maritime/satellite-ais

exactearth.com

spacenews.com/exactearth-bests-orbcomm-for-canadian-contract-that-shrank-to-a-pittance/#sthash.kpZaWVXj.dpuf

spacenews.com/exactearth-bests-orbcomm-for-canadian-contract-that-shrank-to-a-pittance

www.gard.no/web/updates/content/8931775/ais-from-space

webgate.ec.europa.eu/maritimeforum/en/node/1618

L’auteur de cet article, Gérald Voghel, est un adepte de la voile depuis 25 années et technicien en électronique certifié en radiocommunication et radioamateur. Il est l’auteur de plusieurs groupes sur Facebook. On peut le joindre sur la même plateforme ou sur son site Internet : www.navi-services.com.

 Par Gérald Voghel

*Cet article a été publié dans le magazine Printemps 2017 de Québec Yachting.

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