Québec Yachting

La Crète : Beauté farouche!

La grande baie de Mirabello où loge la marina d’Agios Nicolaos.

La Crète est devenue, ces dernières années, une destination touristique très populaire auprès des Québécois, même si elle est peu fréquentée à la voile. En y regardant de plus près, on comprend rapidement pourquoi cette île, avec ses sommets à près de 2500 mètres, son histoire de plus de 6000 ans et sa culture bien distinctive, ne se laisse pas approcher si facilement! Ce qui par ailleurs ne devrait pas empêcher un marin d’expérience de s’y arrêter pourvu qu’il prépare soigneusement son circuit, vu les conditions météo et maritimes qui prévalent dans cette région de la mer Égée.

Lundi 29 mai, à quai sur Symi. Notre campagne 2017 a pris son envol le 30 avril dernier en quittant notre port d’attache en Turquie pour la baie de Bozucale où nous allions retrouver notre ami Békir à son restaurant. Cette année, notre projet consistait à descendre en Crète quelques semaines et accueillir à notre bord Geoffroy, notre garçon, et sa conjointe Marie-Ève. Le point de rencontre fut fixé le 16 juin, à Agios Nikolaos, du côté nord de l’île.

Les conditions météo exceptionnellement instables de ce printemps en mer Égée auront malheureusement eu raison de notre plan original et nous aurons forcés à réviser notre programme.

La marina d’Agios Nicolaos, la mieux abritée de l’île.

Retour sur notre projet de visiter la Crète

La Crète nous a toujours intrigués, Hilda et moi, une île à découvrir pour nous, la plus grande île de la mer Égée. Orientée est-ouest, elle relie les côtes du Péloponnèse à celles de l’Asie Mineure. Elle est traversée sur toute sa longueur par un spectaculaire enchaînement de quatre chaînes montagneuses, dont trois sommets approchent les 2500 mètres. La neige qui s’y dépose l’hiver peut être aperçue de très loin en mer et jusque tard au printemps.

Si la Crète appartient géographiquement et politiquement à la Grèce, ses habitants, eux, se disent Crétois d’abord. Son histoire remonte à la période néolithique et fut, à une époque, le centre de la civilisation minoenne. Celle-ci disparut en 1450 av. J.-C., laissant derrière elle les traces d’une civilisation étonnante, évoluée, équitable et harmonieuse. Sa disparition serait attribuable à une gigantesque éruption volcanique du mont Thira. Depuis, plusieurs civilisations se sont succédé, notamment les Romains, les Vénitiens et les Ottomans, pour finalement joindre la Grèce en 1913, selon le souhait des Crétois eux-mêmes. Son histoire et son importance stratégique expliquent en partie la richesse et la grande diversité des sites et de la culture crétoise.

Voilà pourquoi nous avions fait de la Crète notre destination pour 2017. Nous avions, pour l’occasion, soigneusement préparé notre circuit ainsi que notre séjour sur l’île, grâce à la précieuse collaboration de monsieur Tony Cross, membre et représentant local de la prestigieuse Cruising Association (CA) à laquelle nous avons adhéré cette année.

La Cruising Association est une association britannique datant de 1908 et fort bien organisée. La CA couvre plus de 20 régions dans le monde, dont la Crète, offrant ainsi à ses membres une connaissance approfondie de chacune d’elles. Présidée par l’emblématique Sir Robin Knox-Johnston, la Cruising Association compte plus de 5700 membres à travers le monde, offre une foule d’avantages et plus d’une trentaine d’activités annuellement. À titre de membres de la CA, nous avons pu bénéficier, entre autres choses, de 400 euros d’économies (soit 10 %) sur nos frais annuels de quaiage à Yacht Marine et environ 200 euros sur notre nouvelle police d’assurance. Total +/- 700 $ CAN net des frais annuels d’adhésion et récurrents!

Concernant notre campagne 2017, j’ai donc pu faire appel à Tony Cross pour mieux comprendre les conditions particulières qui prévalent en Crète et pour préparer un passage à la fois sécuritaire et agréable. Sa réponse fut à la fois immédiate et combien généreuse!

L’emblématique chèvre des îles grecques ne fait pas exception en Crête.

Il existe plusieurs routes pour aller en Crète en provenance du nord. La première consiste à relier la Crète par l’ouest, soit en longeant la côte est du Péloponnèse pour franchir le cap Maléas et faire escale sur Kithera avant de relier la côte ouest de la Crète, avec comme première escale le lagon de Gramvousa. La seconde consiste à passer par Astipalaia, pour ensuite descendre franc sud sur Agios Nicholaos, un passage d’une douzaine d’heures et avec des vents dominants du N/NO sur le tapis roulant! La troisième route, celle  que nous avions privilégiée étant donné que nous partions des côtes d’Asie Mineure, consiste à passer par l’est avec escale sur Karpathos, puis Kasos, pour ensuite relier la côte est de la Crète avec comme première escale Sitia.

Nous constatons que pour visiter la Crète en toute sécurité, il faut y aller soit en mai/juin ou en septembre/octobre. Cela permet d’éviter juillet/août alors que le meltemi prend toute sa force pour offrir des conditions difficiles et parfois dangereuses. Nous savions que nous aurions à naviguer avec une côte constamment sous le vent sur près de 150 milles nautiques! La Crète est particulièrement exposée au meltemi, lui faisant obstacle de par sa position géographique tout au sud du corridor habituellement emprunté. Ses rives nord se trouvent ainsi fortement exposées à des vents qui peuvent excéder B6-7 pour atteindre B8-9! Ces conditions sont accentuées aux deux extrémités de l’île alors que les passages étroits contribuent à accélérer le vent et les courants, créant ainsi une mer très formée et parfois confuse. Même si plusieurs marins hivernent en Crète, la navigation à cette période de l’année est à proscrire en raison des vents du sud et de l’est particulièrement costauds en hiver et aux conditions maritimes qui prévalent. De même, la côte sud est à éviter vu le peu de mouillages abrités.

Enfin, il faut y aller avec son propre voilier puisqu’il n’y a pas de base de charter sur l’île. Les conditions exigent des marins d’expérience, ce qui décourage les compagnies de charter à s’investir dans cette partie de la mer Égée.

Grâce aux généreux conseils de Tony et à son Pilot que je vous encourage à consulter si vous avez l’idée d’aller en Crète, nous planifions le trajet suivant :

De Symi, notre port d’entrée en Grèce, nous descendrons sur Halki, puis sur Karpathos, avec escale à Pigadhia pour visiter l’île à la recherche des villages où les résidents portent encore aujourd’hui au quotidien la tenue traditionnelle.

Nous naviguerons de Pigadhia à Fri, sur Kasos, lors d’une fenêtre de temps calme, puisque le passage entre Karpathos et Kasos constitue, paraît-il, une zone d’accélération redoutable par vents forts. Puis de Fri, un port bien abrité grâce à un ouvrage récent, nous traverserons sur la Crète avec comme première escale Sitia, recommandée pour la beauté de la ville et l’atmosphère qui y règne.

De cette première escale en Crète, il y en avait sept au total de planifiées, nous prévoyions nous rendre à la marina d’Agios Nikolaos pour rencontrer Tony et pour accueillir nos enfants sur Dance Me. Nous allions faire de cet endroit notre base pour quelques jours et louer une voiture pour visiter l’île, sa rive sud, ses sommets et ses villages perdus en montagne.

Nous avions prévu repartir en direction ouest, non sans nous arrêter en mouillage forain dans le lagon de Spina Longa, reconnu pour sa beauté et son côté pittoresque, autrefois une léproserie!

Connue pour sa léproserie, l’île de Spinalonga, à 10 mn d’Agios Nicolaos, offre de formidables mouillages.

Iraklion nous est déconseillé au profit de mouillages forains au sud de l’île de Dhia. Le Pilot rédigé par Tony Cross illustre bien les mouillages en question avec quelques recommandations en fonction de conditions météo du moment.

De Dhia, nous avions planifié relier Rethymnon pour visiter cette ancienne ville vénitienne, supposément la plus belle de Crète. Puis nous prévoyions un arrêt à Chania, ancienne capitale de Crète, également d’inspiration vénitienne.

De Chania, nous avions planifié relier le lagon de Gramvousa, tout au bout de l’île, un « must see! » au dire de Tony, pour attendre des conditions favorables à notre passage vers Kithera où nous allions faire escale quelques jours pour ensuite relier le Péloponnèse, Monemvasía, plus spécifiquement.

Retour en Turquie prévu par les Cyclades, puis l’archipel du Dodécanèse au plus tard le 5 août.

Au total, nous avions prévu passer près de trois semaines en Crète, soit du 5 au 25 juin, avant de relier les côtes du Péloponnèse et ainsi éviter la saison du meltemi.

Mais voilà, nous sommes au début de juin et la météo ne collabore toujours pas! Les prévisions à long terme ne sont pas meilleures. Les enfants s’impatientent puisqu’ils ont retenu l’achat des billets d’avion dont le prix ne cesse de monter. De notre côté, nous revisitons nos routes pour voir si nous ne pourrions pas couper court par Astipalaia. Toutefois, les conditions instables n’ont rien de prometteur pour notre équipage qui souhaite profiter de bon temps en famille. De plus, les enfants ne seront avec nous que pour une semaine. Le mauvais temps, s’il devait persister, pourrait ainsi compromettre sérieusement nos déplacements à voile.

Finalement, la décision tombe. Nous choisissons de nous réorienter vers Samos, une île des Sporades de l’Est, au nord du Dodécanèse. Nous prendrons les enfants à Pythagorion le 16 juin et les déposerons sur Kos la semaine suivante. La décision s’est avérée judicieuse puisque nous aurons eu une semaine de voile formidable avec des conditions sportives mais confortables au portant, des mouillages sympathiques et des soupers mémorables.

Quant à la Crète, ce n’est que partie remise puisque nous y passerons nécessairement lorsque nous nous dirigerons vers l’ouest de la Méditerranée, soit l’Italie ou la Tunisie. Nous n’aurons qu’à ressortir notre plan de navigation et prévenir Tony que nous arrêterons le voir au passage!

Cet article a été préparé avec la précieuse collaboration de monsieur Tony Cross, représentant local de la Cruising Association. Plusieurs références sont issues de son Pilot sur la Crète.

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Hilda et Jacques sur Dance Me

Hilda et Jacques naviguent en Méditerranée depuis 2005. Pour tout commentaire ou toute information supplémentaire, n’hésitez pas à leur écrire un courriel à j.chalifour@chalifourcom.com.

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Le lac Voulismeni, curiosité locale de par son exceptionnelle profondeur, est le site de nombreuses activités.

Ce qu’il faut retenir de la Crète 

  • Une île d’exception de plus de 250 km de long, la plus grande de la mer Égée. Une île qui mérite le détour et qui n’est que partie remise pour nous.
  • Son exposition au meltemi, la position géographique de l’île et le peu de mouillages requièrent une bonne préparation du plan de navigation pour quiconque souhaite s’y rendre.
  • Priorisez la côte nord plutôt que la côte sud. Favorisez mai/juin ou septembre/octobre. Évitez l’hiver ainsi que juillet/août pour leurs conditions de navigation difficiles, voire dangereuses.
  • Agios Nicholaos Marina offre le meilleur abri et constitue une bonne base pour visiter l’île par des moyens terrestres.
  • Il vous faut disposer du temps nécessaire pour attendre les fenêtres météo favorables aux passages, tant du côté ouest que du côté est de la Crète.
  • En provenance de l’Égée, trois routes sont possibles, soit de l’est, de l’ouest ou du centre. La plus directe, au centre, consiste à passer par Astipalaia tandis que la plus propice à la navigation va d’ouest en est, à partir de la côte du Péloponnèse en passant par Kithera, pour relier le lagon de Gramvousa. Les vents dominants étant du N/NO, vous aurez la chance de naviguer au travers comme au portant.
  • Et si vous rencontrez Tony Cross à Agios Nicholaos, ne manquez pas de le saluer pour nous!
  • La Cruising Association vous intéresse? Visitez son site Internet à l’adresse suivante : www.theca.org.uk.
  • Le Pilot sur la Crète rédigé par Tony Cross, représentant local de la Cruising Association, peut être consulté sans frais à : www.dropbox.com/s/yr174gkjcid5ojt/Crete%20Pilot.pdf?dl=0.
  • Si vous désirez en savoir davantage sur la Crète, vous pouvez contacter Tony Cross directement par courriel à tonycrossgb@gmail.com.

Par Jacques Chalifour

Photos : Par Anthony Cross

*Cet article a été publié dans le magazine Automne 2017 de Québec Yachting.