Québec Yachting

Course ou croisière, pourquoi choisir?

Dès janvier, une partie de l’équipage de GravlaX se familiarise avec le plan d’eau à Charleston, en Caroline du Sud. Riccardo Bini au piano et Catherine Duhamel à la barre.

Quand nous avons choisi notre voilier GravlaX parmi les milliers de bateaux disponibles dans le monde, nous cherchions un bateau sécuritaire, capable de bien performer sur un parcours de course, assez autonome pour traverser un océan et accueillant pour des équipiers de tous âges. Les gens qui me demandent conseil pour l’achat de leur bateau cherchent aussi une certaine polyvalence : le meilleur compromis entre la performance et le confort pour leurs projets parfois variés. Pourtant, après l’achat de leur bateau, la plupart des marins choisissent un camp : soit ils allègent le bateau et investissent dans des voiles de course, soit ils l’arment pour y passer leurs vacances et abandonnent à tout jamais l’idée de changer de voile en virant une bouée entourés de leur pairs. Pour notre part, nous continuons à faire les deux et ce n’est pas demain que nous allons nous priver de l’un ou de l’autre!

Avant la semaine de courses de la Sperry Charleston Race Week qui l’attend en avril, GravlaX navigue sous le fameux pont Arthur Ravenel.

L’hiver dernier, nous avons choisi de participer à la Sperry Charleston Race Week, une semaine de courses qui se tient chaque année en Caroline du Sud. Tout l’équipage était enthousiaste, moi le premier, à l’idée des courses et du convoyage qui allait nous y mener. Comme notre tirant d’eau ne nous permet pas de passer par le Richelieu ni par le système de canaux de l’État de New York, nous devions contourner la Nouvelle-Écosse. Nous en avons donc profité pour participer au Parcours du Bœu à Tadoussac, aux régates Latitude Marine à Rimouski et à La Cormorandière aux Îles-de-la-Madeleine. Après ces quelques courses très agréables, nous avons fait un petit détour pour visiter le lac Bras d’Or avant de faire escale à Halifax, le dernier port canadien sur la route vers les États-Unis.

Comme je n’avais plus confiance en notre enrouleur, nous avons fait une pause à Portland dans le Maine pour le faire remplacer par un étais creux à double gorge, plus léger et plus efficace quand vient le temps de changer de voile d’avant. Nous avons ensuite fait escale à Mystic Seaport, un musée maritime dans lequel il est possible d’accoster. J’affectionne tellement ce lieu mythique que je tenais à le faire découvrir à mon équipage à l’aller et au retour! De là, nous avons suivi la trace des baleiniers vers l’île de Nantucket, une nouvelle destination qui nous a beaucoup plu. Les ouragans Florence et Michael nous ont ensuite ralentis et forcés à sortir momentanément le bateau de l’eau à Beaufort, en Caroline du Nord. J’en ai profité pour retourner travailler quelques semaines, car la voile c’est bien beau, mais il n’y a pas que ça dans la vie!

Patrick Gagnon met l’énergie de tout son corps pour hisser rapidement la grande voile de GravlaX.

La veille du jour de l’An, nous avons finalement atteint Charleston, notre destination finale. Ce fut un voyage riche en émotions auquel presque tout l’équipage de course a pu participer. Pendant l’hiver, quand j’ai pu me libérer du boulot, je suis allé faire de la voile dans le coin pour me familiariser avec le plan d’eau des Carolines. Nous avons également fait quelques courses avec la flotte locale sur les parcours qui étaient au programme ce printemps. La préparation pour la course était alors un très bon prétexte pour faire de la belle croisière dans ces estuaires complexes et pour faire connaissance avec des marins d’expérience (régatiers ou non) qui resteront longtemps de bons amis, peu importe les degrés de latitude qui nous séparent aujourd’hui.

Cette année, en partageant croisières et convoyages avec les équipiers qui sont fidèles à notre bon vieux GravlaX, j’ai réalisé que ces longs milles nautiques détendus sont aussi une opportunité en or de parfaire plusieurs aspects de notre travail d’équipe. Le rythme des quarts invite chacun à alterner entre la barre, la table à carte et le pont. En course, l’expérience ou la physionomie de chacun le prédestine à la barre, au pont avant ou à la manivelle de winch. Cependant, en croisière, tous peuvent améliorer leur compréhension globale des manœuvres et des réglages. Cette rotation est très bénéfique une fois à destination lorsque nous reprenons l’uniforme et que nous nous mesurons à d’autres bateaux autour des bouées du parcours. En comprenant les défis et les objectifs de chacun, les membres de l’équipe travaillent davantage à l’unisson. De plus, une meilleure compréhension des systèmes du bateau permet à l’équipage de participer activement à son entretien et de mieux réagir en situation d’urgence. D’autre part, la course est aussi bénéfique à la croisière, car elle pousse l’équipage à ne faire qu’un avec le bateau et son gréement. Cela permet de hisser la voilure appropriée en croisière sans provoquer d’usure prématurée. En convoyage, il va sans dire que le skipper dort mieux entre ses quarts quand il a vu son équipage virer des dizaines de bouées…

De San Francisco à Halifax en passant par le cap Hatteras, Aline Préfontaine fait partie de l’équipage de GravlaX depuis les tout débuts. Ici à la barre au large d’Atlantic City.

Mon père disait qu’il faut au moins cinq ans pour former un équipage de régate compétitif sur un quillard. Adolescent à l’époque, j’étais convaincu que c’était parce qu’il était meilleur marin que pédagogue qu’il lui fallait si longtemps pour y parvenir… Maintenant que c’est moi qui prend la barre sur la ligne de départ et qui constate la lenteur avec laquelle nos performances s’améliorent, je dois admettre une fois de plus que le parternel avait raison. En effet, recruter des équipiers qui comprennent les réglages et les manœuvres, former des néophytes motivés et apprendre ensemble les chorégraphies qui sont spécifiques à chaque plan de pont, ce n’est pas instantané! Dans le feu de l’action, que ce soit pendant une régate ou lors d’une pratique, les équipiers (et le skipper aussi!) sont souvent trop stimulés pour bien absorber toute l’information qui leur est transmise. C’est d’ailleurs une fois les voiles ferlées, lors du débriefing, qu’une équipe en apprentissage tire les conclusions les plus judicieuses, soit celles qui permettent d’améliorer les performances à long terme.

GravlaX s’apprête à passer sous le célèbre Brooklyn Bridge.

Quand vient le temps de convoyer un bateau voué uniquement à la croisière vers son prochain terrain de jeu, il est souvent difficile de trouver l’équipage requis pour franchir tous les milles (parfois doux, parfois salés) qui attendent patiemment l’étrave alourdie par la chaîne et l’ancre. Par contre, une fois qu’on a réuni un équipage complet pour une saison de courses, la planification d’un convoyage devient un jeu d’enfant : les équipiers méritants et disponibles se portent naturellement volontaires. Ils en profitent même parfois pour faire découvrir leur passion et le bateau qu’ils se sont peu à peu approprié à leurs amis et à leur famille, à condition que la permission de monter à bord leur soit accordée, bien sûr! Au final, après quelques années de navigation avec le même équipage, j’ai maintenant le loisir de laisser mes équipiers, qui ont démontré aptitudes et connaissances, convoyer GravlaX en mon absence. Bref, tout le monde en sort gagnant!

Marins de tous niveaux d’expérience et de tous âges, n’hésitez pas à troquer les bouées du parcours pour la navigation au long cours, et vice-versa. Vos bateaux dorment trop souvent au quai faute d’équipage ou d’horizons lointains. Sur votre première ligne de départ, vous serez sans doute forcés de quitter votre zone de confort, mais aussi grisés par une adrénaline nouvelle. Une bonne préparation du bateau, quelques entraînements avec votre équipage grandissant et une lecture attentive des règles de course suffiront pour participer à l’une des courses amicales de votre plan d’eau en toute sécurité. D’ailleurs ces règles qui s’appliquent sur le parcours sont basées sur celles qu’il faut absolument connaître pour éviter les abordages.

GravlaX longe Manhattan avant de rejoindre la marina de City Island.

Malheureusement, trop de marins sans expérience de régate ignorent les règles de route! De surcroît, vous améliorerez sans doute vos manœuvres, vous apprendrez des bateaux semblables qui vous dépassent les bons réglages et vous vous ferez de nombreux amis! Assoiffés de meilleurs résultats, les membres de votre équipage de plus en plus dévoués pourront être mis à contribution pour lubrifier l’accastillage qui en a besoin, polir, réparer, et qui sait, peut-être même remplacer un ou deux cordages qui ont atteint la fin de leur vie utile! Si c’est l’équipage qui vous manque, sachez que sur internet comme à votre marina, il y a des gens qui veulent naviguer et qui n’attendent que vous pour découvrir notre sport rassembleur!

Ce convoyage entre Charleston et New York a permis à Cécile Hauchecorne, nouvelle recrue sur GravlaX, de faire de fulgurants progrès… selon les dires du capitaine Gaël Simon. Crédit photo : Gaël Simon.

Pour ceux parmi vous qui ne font que de la régate, je vous invite à quitter votre plan d’eau habituel et à aller voir ailleurs si vous y êtes! Il suffit d’aborder l’idée d’un calendrier de convoyage et de courses plus lointaines avec votre équipage habituel pour faire jaillir une étincelle… En peaufinant la planification de votre itinéraire, vous verrez que c’est plus facile et moins cher qu’on ne le croit à priori. Sur de nouveaux plans d’eau où vous vous mesurerez à des flottes différentes, vous découvrirez des ports accueillants, vous observerez d’autres courants et des vents différents. Tous ces apprentissages nourriront votre sens marin et amélioreront vos performances.

Le désir de faire accélérer votre bateau et votre équipage grâce à la force du vent s’ajoutera à celui d’explorer et de découvrir ce qui vous attend au-delà de l’horizon. Après tout, ce sont des voiliers en quête de nouveaux défis qui ont découvert la plus grande partie de notre planète!

Au plaisir de vous croiser sur une ligne de départ loin de chez vous… et de chez moi!

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Par Gaël Simon, formateur privé et consultant nautique

Photos : Cécile Hauchecorne