Québec Yachting

Différents modèles pour partager les frais d’un voilier

Voici l’équipage qui a participé à la Coupe Femina 2018 sur le voilier GravlaX. Parc Nautique Lévy.

Le 7 novembre dernier, Gaël Simon présentait un atelier interactif sur le partage des frais d’un voilier à la CONAM. Le tout s’est déroulé dans une ambiance conviviale et feutrée en raison d’une panne d’électricité. Ces dix dernières années, il a voyagé sur deux bateaux dans plusieurs pays en partageant les frais et les travaux à effectuer avec une centaine d’équipiers.

Il a proposé plusieurs manières de partager les frais d’un voilier :

1. Mettre votre voilier en courtage à l’étranger, comme dans les Caraïbes ou en Europe, afin qu’une compagnie de charter s’occupe de le louer dans l’une de ses bases. L’entreprise Voile sans Frontière accepte de louer votre voilier usagé et redonne une majorité des revenus aux propriétaires. Elle fournit aussi un support inestimable aux néophytes pour l’achat d’un voilier usagé à l’étranger et pour les convoyages. Navtours ainsi que Vacances Sous Voiles vous permettent d’acheter le voilier neuf de vos rêves et de le joindre à leur flotte de location en vous versant des revenus qui sont parfois garantis, parfois proportionnels aux activités du bateau. Dans tous les cas, vous pourrez réserver un certain nombre de semaines d’utilisation personnelle et ces compagnies prendront en charge son entretien. Il est important de déterminer qui sera responsable de l’entretien et des réparations dès le début de l’entente et de mettre cela par écrit, tout comme les conditions de partage des revenus et du temps d’utilisation du bateau.

Les îles Mingan.

2. L’école de voile est la seule manière de faire des revenus de manière légale au Canada avec un voilier. Pour ce faire, vous devrez acheter pour 250 $ à 300 $ d’équipement afin d’être conforme à la loi en vigueur (référence : https://www.tc.gc.ca/fra/securitemaritime/tp-menu-515-tp15136-4401.html) et posséder une assurance commerciale qui coûte quelques milliers de dollars par année (elle variera selon la valeur de votre bateau et des endroits où vous naviguerez). Vous ferez partie d’une communauté qui vous permettra d’apprendre avec des instructeurs qualifiés et des personnes passionnées. Au sein d’une école de voile, vous pouvez générer des revenus en mettant le bateau au sein de la flotte et aussi (si vous avez les qualifications et les certifications requises par l’école) en travaillant comme instructeur à bord de votre propre bateau ou d’autres bateaux de l’école. L’école Voile Mercator fonctionne sous forme de coopérative (les instructeurs et les propriétaires de bateau en sont membres), mais d’autres écoles ont d’autres modes de gestion. Il est important de bien s’informer sur les modalités de partage des frais, du travail d’entretien et des revenus avant d’ajouter son bateau à la flotte d’une école de voile.

Gaël Simon est copropriétaire avec Catherine Parker, elle aussi membre fondatrice de la Coopérative Voile Mercator, du voilier GravlaX qui fait partie de la flotte de cette école de voile. Ils sont une vingtaine d’équipiers à partager les frais d’entretien et de réparation du bateau et le temps de navigation en dehors des activités au sein de l’école. L’équipe planifie longtemps d’avance les courses, croisières et convoyages de l’année au Québec et à l’étranger (États-Unis, Mexique, Panama, Jamaïque, etc.). Un budget annuel est établi pendant l’hiver par les officiers de l’équipe comprenant les achats et réparations qui sont de mise et toutes les dépenses ordonnées par priorité. Les contributions financières de tous les équipiers sont ensuite combinées au « budget GravlaX » des propriétaires et aux revenus que le bateau génère au sein de l’école Voile Mercator pour payer toutes ces dépenses et les autres frais d’opération qui rendent possibles les projets du bateau. Chaque équipier participe aussi selon ses intérêts et ses compétences aux travaux d’entretien et de réparation du bateau. L’apprentissage qu’ils font ensemble pendant que le bateau est en chantier s’ajoute à toute l’information qui est transmise en mer dans un contexte multilatéral où chacun est invité à partager le savoir de son domaine d’expertise. Comment gérer le tout? Avec un chiffrier partagé qui combine les entrées et les sorties d’argent, un calendrier des activités et une liste des tâches à effectuer et des événements à venir. Cette année, l’équipe considère passer à la plateforme Trello pour rendre plus conviviale la communication entre les équipiers.

* Sachez qu’un voilier appartenant à une école de voile s’usera prématurément en raison des manœuvres effectuées par les débutants qui peuvent pratiquer plusieurs fois par jour des empannages, des virements de bord et des manœuvres d’homme à la mer simulées. Il en est de même pour tous les systèmes d’un bateau mis en courtage. La seule façon de limiter un peu cette usure prématurée est d’être à bord, soit comme instructeur, soit comme capitaine, dans le cadre de charters ou d’avoir quelqu’un de confiance pour le faire à votre place.

Le génois léger sur Long Island Sound.

3. Plusieurs équipages de courses obtiennent des revenus de commanditaires qui s’ajoutent aux contributions qui sont faites par les équipiers et le ou les propriétaires du bateau.

  • L’Équipe de Voile ATLAS a vu le jour grâce à la passion du nautisme de Georges Leblanc, de Gilles Barbot et de Maxime Grimard. Jusqu’à maintenant, ils ont initié des centaines de personnes à la navigation au large et participé à des courses internationales à bord de Volvo Ocean Race 60. Comment cela fonctionne-t-il? Les équipiers versent 40 $ de contribution par année, puis ceux qui veulent participer à des régates doivent débourser leur part des frais reliés aux navigations auxquelles ils participent. Ceux-ci varient selon les compétitions et convoyages.
  • Le modèle de fonctionnement de l’Équipe de voile Adrénaline est complètement différent. Une dizaine d’équipiers fournissent de 500 $ à 1000 $ par année pour régater sur le Farr 40 Hydromec aux côtés de l’excellent skipper Dave Savard. Ils doivent participer à l’entretien du voilier et plusieurs commanditaires permettent de défrayer certaines dépenses opérationnelles. Les commanditaires voient la visibilité qu’ils obtiennent en apposant leur logo sur le bateau, sur les uniformes d’équipage et sur les médias sociaux de l’équipe maximisée par les résultats hors du commun de cette équipe qui a beaucoup de succès dans les régates auxquelles elle participe au Canada et aux États-Unis.

GravlaX au mouillage à Nantucket.

4. Le site internet de Patreon (www.patreon.com) est un nouvel outil qui peut vous aider à voyager à peu de frais. En créant du contenu exclusif comme des vidéos et des podcasts, vos « patreons » vous encouragent en versant le montant de leur choix par création, selon vos propres termes, ce qui vous permet d’obtenir des revenus récurrents. C’est une façon d’obtenir plus rapidement des revenus qu’en attendant de devenir une étoile de YouTube, comme certains voiliers qui publient régulièrement des vidéos très populaires comme Vagabonde et Delos. Un bon exemple québécois de « patreon » est Le Voilier Orange : www.patreon.com/levoilierorange.

5. Il existe aussi une gamme grandissante de sites web comme SamBoat ou Click and Boat spécialisés dans la location de bateaux dans un cadre d’économie de partage. Afficher votre bateau sur ces sites ainsi que sur Kijiji ou sur Airbnb est à vos propres risques puisque la législation à ce sujet est en évolution et que ce genre d’économie de partage est interdite dans plusieurs marinas et fait partie des exclusions de certaines polices d’assurance. Il est donc important de valider le tout avec sa marina et avec ses assurances avant de mettre une annonce en ligne visant à louer son bateau.

Sachez que vous ne deviendrez pas riche en partageant les frais de votre voilier au Canada. L’argent que vous récolterez servira à payer une partie de son entretien et à effectuer les réparations nécessaires, mais il est très peu probable que vous fassiez des profits. Si vous deviez générer plus de revenus que de dépenses avec votre bateau, il serait tentant d’investir dans des nouvelles voiles ou d’autres composantes du bateau, faute de quoi vous devriez consulter un comptable pour savoir comment inclure cela dans votre déclaration de revenus.

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Gaël Simon.

Qui est Gaël Simon?

Il a grandi dans une famille où la voile prenait une place importante. Il a navigué et travaillé sur le fleuve Saint-Laurent. Aimant la régate, il a contribué à la fondation, en 2006, du Championnat régional de yachting de Québec (CRYQ). Il a beaucoup de milles nautiques dans son sillage puisqu’il a navigué au Canada, aux États-Unis, dans les Antilles, au Mexique, au Panama, en Turquie, en Grèce, en Italie, en Espagne, en Nouvelle-Zélande et en France. Il est accrédité par Voile Québec / Voile Canada, il est instructeur de croisière intermédiaire, formateur privé et instructeur jeunesse chez Voile Mercator ainsi que représentant aux ventes chez Structurmarine, une entreprise montréalaise spécialisée dans la construction de marinas. Gaël est aussi celui qui offre la formation de sécurité et de survie au large (SSAL) au Québec.

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Questions à Transports Canada

QY : Au Canada, est-ce que louer son voilier à des plaisanciers est illégal?

TC : Conformément à la Loi de 2001 sur la marine marchande du Canada, il n’y a pas d’interdiction quant à la location d’une embarcation de plaisance tant que les exigences de sécurité et de protection de l’environnement sont respectées. Pour de plus amples informations au sujet de ces exigences, veuillez consulter le Guide de sécurité nautique.

QY : Est-ce que le plaisancier qui voudrait louer son voilier devrait se conformer aux normes de Transports Canada au même titre qu’un traversier ou un bateau de croisière?

TC : Si l’embarcation est louée sans équipage, que le locataire en exerce le contrôle complet et qu’il l’utilise uniquement dans un but de plaisance, les exigences applicables aux embarcations de plaisance demeurent applicables.

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QY : Aux États-Unis, pourquoi est-il illégal de louer un bateau avec un capitaine canadien?

Réponse de Nicolas Authier : Le concept de « Charter » englobe plusieurs définitions légales selon la juridiction où l’on se trouve. Plusieurs propriétaires de bateaux canadiens sont tentés par cette formule pour alléger le coût de possession de leurs embarcations. Il est important de vérifier la légalité d’une telle pratique AVANT de se lancer dans ce type d’activité ou de se fier sur cette source de revenus. Dans le cas des États-Unis, cette pratique est légale pour une embarcation canadienne seulement dans le cas où le propriétaire ne se trouve pas à bord lors de la période de location. Ce que l’on appelle au Québec une « location sans capitaine ». Dès que le propriétaire (ou son représentant désigné) se trouve à bord et qu’il y a échange d’argent ou de service (ou toute autre considération exigée comme condition de la présence à bord), on se trouve dans une situation de « transport de passager » au sens de la loi américaine. Cette pratique est, pour une embarcation canadienne et son propriétaire, illégale aux États-Unis. Ce que les Coast Guards définissent comme « considération » inclut une participation volontaire aux frais de voyage. Cela inclut donc aussi la co-navigation. Dans la pratique, il est possible qu’un officier des Coast Guards fasse preuve de clémence dans une situation particulière, mais il est recommandable de vérifier son statut légal de location-charter avant d’inviter des gens à bord contre toute forme de compensation. Il est possible de soumettre vos questions à l’avance pour connaître votre statut légal exact au commandant des Coast Guards du secteur de Miami à l’adresse suivante :

Prevention Department
100 MacArthur Causeway
Miami Beach
FL 33139
Tél. (305) 535-8736

Pour obtenir plus d’information, consultez le document sur les Charter Operations au https://bit.ly/2GzRqGQ.

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Crédit photo : Nicolas Authier.

Qui est Nicolas Authier?

Après une carrière militaire de onze ans comme pilote d’avion de transport militaire, Nicolas Authier a acheté Paradigme 2.0, un Bavaria 40, en 2013. Depuis cinq ans, il a cumulé plus de 30 000 milles nautiques, dont une traversée de l’Atlantique, de Gibraltar à New York, et un convoyage de Fort Lauderdale à Los Angeles via le canal de Panama et les îles Galapagos. Passionné de navigation hauturière et de sécurité à bord, il est constamment à la recherche de nouvelles façons de partager ses aventures. Son expérience militaire l’amène à se documenter sur les différentes subtilités légales entourant la pratique des voyages à voile. Cliquez ici pour consulter sa chaîne YouTube.

Par Joani Hotte-Jean
En collaboration avec Gaël Simon
Photos : Par Gaël Simon

*Cet article a été publié dans le magazine Hiver 2019 de Québec Yachting. Abonnez-vous, c’est GRATUIT!