Québec Yachting

Les cartes marines papier vs les cartes numériques

Visionneuse de cartes vectorielles du SHC, offerte par le manufacturier i-Boating.

Je vais vous paraître un peu rétrograde avec une chronique portant sur les cartes marines papier. Le monde numérique prend de plus en plus de place et je vous comprends parce qu’un écran numérique où on peut agrandir ou rapetisser l’échelle est très utile quand on dispose d’un espace restreint pour étaler une carte marine en papier de format A0 dans un voilier ou un bateau à moteur. Pour pallier les inconvénients du format papier et de sa perméabilité, les éditeurs commencent à imprimer sur du papier résistant à l’eau, effaçable et moins susceptible de se briser en raison d’une utilisation fréquente.

La carte électronique de navigation n’a pas les inconvénients énumérés pour les cartes papier. Par contre, connaissez-vous la date de la dernière mise à jour de votre carte numérique ou pouvez-vous la trouver facilement? Votre carte numérique est mise à jour? Félicitations! Autre question : qui a fait la mise à jour et à partir des données de quelle organisation?

La Loi sur la marine marchande est claire : les cartes et les documents nautiques officiels en papier publiés par le Service hydrographique du Canada (www.cartes.gc.ca) sont les seuls documents légaux pour la navigation sur les plans d’eau au Canada; il est à noter que des manufacturiers utilisent les données du Service hydrographique du Canada pour construire leurs cartes électroniques de navigation. La loi permet l’ajout d’une carte électronique de navigation pourvu que les cartes papier à jour soient à bord. Cette loi sera modifiée seulement lorsque le législateur aura la certitude que le document numérique sera moins défaillant que sa version papier ou que d’autres organisations auront des données précises et de qualité comparable à celles du Service hydrographique du Canada.

Voici quelques exemples de défaillances : 1) arrêt de fonctionnement de l’application ou de l’ordinateur où est logée la carte électronique de navigation; 2) panne électrique généralisée sur l’embarcation; 3) panne ou mauvais fonctionnement du système de positionnement à bord de l’embarcation; 4) panne ou mauvais fonctionnement du système de positionnement. Avez-vous un plan de rechange efficient? La carte et les documents nautiques en papier sont exempts de ces pannes et avec quelques instruments de navigation, on peut faire le point et les porter sur une carte papier.

Visionneuse de la carte matricielle du SHC à l’aide du logiciel de navigation gratuit OpenCPN.

Les manufacturiers de cartes électroniques de navigation utilisent de plus en plus les données et les mises à jour fournies par le Service hydrographique du Canada. Une vérification sur le site www.cartes.gc.ca permet de s’assurer que les mises à jour sont intégrées dans la version de la carte offerte.

Certains manufacturiers offrent aux navigateurs de mettre à jour eux-mêmes leurs cartes électroniques. Il faut être conscient que ces mises à jour se font à partir de prédictions de marées qui peuvent s’écarter de 0,3 à 0,4 m de la réalité pour atteindre jusqu’à 1,5 m lors de très hautes ou très basses pressions atmosphériques. Par la suite, il faut connaître la hauteur de l’antenne GPS et l’enfoncement du sondeur par rapport à la surface de l’eau. Il faut aussi éviter de prendre un sondage au creux ou à la crête d’une vague, sinon on peut induire un biais dans les profondeurs et compromettre notre sécurité et celle de nos passagers.

Bref, avant d’utiliser toutes les options offertes par les manufacturiers, il faut connaître le comportement de notre embarcation en eaux calmes ou agitées. On devrait aussi s’assurer que le glacis (surfaces verticales : zéro des cartes et ligne des hautes eaux) utilisé par les manufacturiers correspond à celui des cartes marines produites par le Service hydrographique du Canada. Une différence de 0,1 m peut avoir des répercussions importantes sur l’intégrité de l’embarcation, mais surtout sur la sécurité et l’intégrité physique de ses passagers.

Dégagement réel (A)=Dégagement cartographié (B) – Niveau d’eau au moment de la navigation (C).

Dans les secteurs sujets aux marées, les profondeurs sont par rapport au zéro des cartes ou ligne des basses eaux et les dégagements verticaux sont par rapport à la ligne des hautes eaux. On ne devrait donc atteindre ces valeurs que très rarement, ce qui est très bien, surtout en situation critique. Un calcul sous pression donne rarement de bons résultats et on est distrait de notre première tâche qui consiste à être conscient des dangers qui nous entourent afin de les éviter ou de les contourner.

Dans les secteurs non sujets aux marées, les profondeurs et les dégagements verticaux sont par rapport au zéro des cartes. Il faut donc porter une attention particulière au niveau d’eau avant de partir parce qu’il faut le soustraire pour obtenir le dégagement réel. N’oublions pas qu’un niveau d’eau peut varier rapidement dans la journée à cause de phénomènes naturels (pluie sur le bassin versant, vent, seiche, etc.) ou humains (délestage de barrage), surtout si vous transitez sur de grandes distances.

Bref, préparez votre plan de contingence en cas de panne ou de bris à bord du bateau. Bien que l’électronique soit de plus en plus dans l’ère du temps et sécuritaire, les connaissances et les outils traditionnels ont encore leur place à bord d’une embarcation. Un cours de navigation vous donnera de façon plus exhaustive tous les aléas pouvant réduire une navigation sécuritaire et comment y pallier.

À bientôt!

Bernard Labrecque
Président
Association canadienne d’hydrographie
Section du Québec
bernard.labrecque@globetrotter.net

*Cet article a été publié dans le magazine Été 2018 de Québec Yachting. Abonnez-vous, c’est GRATUIT!