Québec Yachting

Évolution de la propulsion électrique

Paradigme 2.0 et ses panneaux solaires.

L’industrie du nautisme voit graduellement arriver des moteurs marins électriques sur le marché. Cette évolution se fait un peu plus lentement que pour le marché de l’automobile. La propulsion électrique marine reste elle aussi réservée à un marché haut de gamme. Par contre, cette technologie offre plusieurs avantages opérationnels et environnementaux qui en feront peut-être éventuellement une option de propulsion valable pour plusieurs plaisanciers. L’arrivée sur le marché de moteurs électriques marins dépend essentiellement de la nouvelle technologie des batteries au lithium. Plusieurs voiliers de croisière hauturière y ont recours pour créer des banques de batteries maison plus légères, plus performantes et plus durables que les anciennes banques à décharge profonde et AGM.

Un exemple de batteries au lithium maison sur un voilier

Sur Paradigme 2.0, j’utilise deux batteries de 100 ampères LiFePO comme banque maison depuis janvier 2014. Cette banque me donne une performance globale supérieure à trois batteries de type 4D à décharge profonde qu’elle remplace. Je récupère un compartiment complet d’espace de rangement et cela représente environ 132 lb (60 kg) d’allégement. Le manufacturier promet une durée de vie d’environ 20 ans. Cela fait cinq ans que je les utilise, soit environ la durée de vie utile d’une banque traditionnelle pour une utilisation intensive. Cette modification m’a coûté 2 000 $ US. J’ai acheté ces batteries du manufacturier au Salon nautique international de Miami, alors qu’elles étaient en solde. Je ne vois pas de diminution de performance notable à l’heure actuelle; je vous en reparle dans 10 ans, promis! Qui aime remplacer de vieilles batteries 4D ou 6 volts? Je devrais m’éviter cette tâche pour plusieurs autres années. Pour l’instant, j’aurais de la difficulté à revenir à l’utilisation d’une banque de batteries traditionnelles.

Duffy

Le premier exemple de succès commercial d’un bateau à propulsion électrique est probablement fourni par les embarcations de la marque Duffy. Il s’agit de bateaux de plaisance utilisés pour faire du taxi à l’intérieur de ports protégés, comme à Newport Beach et San Diego en Californie ou Fort Lauderdale en Floride. Ils sont très populaires pour explorer paisiblement des canaux protégés. Ces bateaux naviguent lentement sur de courtes distances, de quai à quai et utilisent des batteries conventionnelles. Les courtes distances qu’ils parcourent leur permettent de se recharger fréquemment à chaque quai où ils s’arrêtent.

Le Volt 180 de la Compagnie canadienne de bateaux électriques.

Compagnie canadienne de bateaux électriques

La Compagnie canadienne de bateaux électriques, basée à Boisbriand, offre sa gamme de bateaux Fantail qui concurrence avantageusement les Duffy californiens en utilisant la dernière technologie de propulsion Torqeedo. Elle utilise des batteries au lithium de haute qualité qui donnent à ses embarcations des performances et une autonomie remarquables! Ces caractéristiques sont adaptables selon le désir de l’acheteur et, bien sûr, selon son budget. En guise d’exemple, le Volt 180 peut être équipé d’une motorisation de 2 kWh à 60 kWh. La propulsion la plus puissante est amplement suffisante pour vous permettre de pratiquer du ski nautique ou affronter un fort courant! BMW fabrique la batterie au lithium-ion de 32 kWh qui se trouve sur la version haute performance! Il s’agit donc d’une option verte disponible pour les plaisanciers, une fierté réelle pour le nautisme québécois!

Les principaux acteurs du marché

Le marché de la propulsion électrique marine semble actuellement s’articuler autour de deux manufacturiers, soit Torqeedo (mentionné précédemment) et Ocean Volt. Ces deux compagnies présentent des technologies très intéressantes pour l’avenir.

Ocean Volt

Ocean Volt se spécialise dans la production d’un système adapté aux voiliers de plaisance ou de navigation hauturière. Ce système est très intéressant du fait qu’il se substitue de façon impeccable à un saildrive moderne qui équipe la plupart des voiliers d’aujourd’hui. La technologie permet aussi d’utiliser la rotation normale de l’hélice du bateau lorsque l’on navigue à voile pour recharger les batteries lors de longues navigations. Cette possibilité est extrêmement avantageuse lorsque l’on considère une navigation transocéanique. La combinaison d’un groupe électrogène de plusieurs kilowatts avec la capacité de le recharger en plein milieu de l’océan confère au bateau une autonomie de navigation en théorie illimitée. Tant que le système fonctionne et qu’on le place dans le bon vent, le bateau recharge ses batteries avec son moteur électrique en navigation qui se transforme alors en générateur, ce qui permet des navigations complètes sans combustible fossile. C’est le défi qu’Ocean Volt a décidé de relever en commanditant le prochain Vendée Globe d’Alex Thomson. Ce sera très intéressant de suivre l’édition de cette course mythique.

L’Exploration 45 de Garcia Yachts.

La technologie Ocean Volt a aussi été retenue par le manufacturier Garcia Yachts pour produire son modèle de 45 pieds à la demande de l’un de ses clients. L’Exploration 45 se veut un bateau d’aventure ultime permettant des navigations confortables et sécuritaires dans les hautes latitudes pour toutes les conditions météo possibles. Ce bateau est un concept du célèbre navigateur britannique Jimmy Cornell qui compte à son actif plusieurs tours du monde. Il a aussi publié plusieurs livres de routes marines et de destinations de croisière. Il est une sommité reconnue dans le monde de la voile hauturière d’aventure. Ce nouveau client voulait réaliser un bateau le plus écologique possible. Ocean Volt semble répondre à cette demande avec un système hybride électrique-diesel. Fait historique intéressant, il s’agit d’un retour dans le passé. Les sous-marins allemands de la Seconde Guerre mondiale utilisaient une propulsion hybride électrique-diesel. Un autre projet à suivre dans les prochains mois et les prochaines années.

Les solutions d’Ocean Volt sont intéressantes bien que dispendieuses. Son site web suggère un budget d’environ 35 000 € (environ 52 995 $ CAN) pour équiper un voilier de 12 mètres lui donnant une autonomie d’une heure à la puissance nominale.

Torqeedo

La compagnie Torqeedo offre, depuis plusieurs années, une gamme d’unités de propulsion marine électrique et hybride complète. Elle a un moteur électrique pour votre kayak d’expédition ou pour votre bateau à moteur de haute performance. Elle offre aussi des systèmes hybrides diesel-électrique qui permettent de répondre à une variété impressionnante d’applications, incluant des bateaux de croisière hauturière de plus de 50 pieds.

Mon annexe propulsée par un moteur de 20 ch.

Évidemment, le coût reste substantiel. Par exemple, pour remplacer mon bon vieux moteur Yamaha de 20 ch à deux temps, Torqeedo me propose la solution suivante : le Cruise 10 TS. Ce système promet des performances similaires à mon 20 ch de Yamaha avec deux batteries Torqeedo 48 volts pour une autonomie de 60 minutes à plein régime. Le tout pour un prix d’achat initial de 19 000 € (environ 28 769 $ CAN) incluant les taxes, les frais de transport exclus. Cela étant dit, si on fait le compromis de naviguer à vitesse réduite, la solution présente une autonomie de six heures, ce qui peut satisfaire certains utilisateurs d’annexe de 3,5 mètres. Dans cet ordre d’idées, on pourrait faire le choix d’un Cruise 2 TS qui, pour un coût total de 6500 € (environ 9 842 $ CAN), nous donne une autonomie d’environ 3 heures (avec une puissance maximale très inférieure) avec une seule batterie Power 24- 3500. On se rapproche d’une solution réaliste et abordable.

La propulsion électrique ou hybride électrique présente plusieurs avantages intéressants, entre autres une réduction des émissions de carbone, une possibilité de créer sa propre énergie en naviguant et possiblement un meilleur confort et plus de sécurité à bord. Selon le besoin de l’utilisateur, certaines solutions peuvent devenir abordables s’il est possible d’accepter les limites de puissance et d’autonomie que la technologie actuelle impose à un plaisancier moyen ou d’adapter sa navigation. Les nouveaux yachts d’aventure ultime laissent entrevoir un futur où cette technologie pourrait prendre une place importante dans le marché de la plaisance. Ce sera possible seulement si on arrive à une réduction importante des coûts des batteries. Cette évolution promet d’être fascinante!

Par Nicolas Authier

* Cet article a été publié dans le magazine Printemps 2019 de Québec YachtingAbonnez-vous dès maintenant! C’est gratuit!