Québec Yachting

Jeanneau 409

Veut tout bien faire. Voilà, sèchement résumé, le programme ambitieux du nouveau Sun Odyssey de Philippe Briand. L’architecte français a bien compris le message et sorti de son chapeau l’oiseau rare. Un multicibles. Croisiériste, régatier et long-courrier. Côté croisière, on est surpris par les réponses du 409, notamment par l’ergonomie du plan de pont sous lequel les drisses disparaissent et où toutes les manoeuvres sont renvoyées au poste de barre. Ce qui libère les équipiers mais sollicite beaucoup le timonier. Lequel ne demande que ça… On aboutit là au terme du concept « équipage réduit ». Le résultat est une économie de manoeuvres assez réjouissante d’autant que dans le détail on observe nombre de ces touchantes attentions qui réchauffent le coeur, comme le sabot de protection de la chaîne d’ancre entre l’écubier et le puits. Le gréement de base, GV à enrouleur ajouté au foc (106 % de recouvrement) est un régal, fournissant sur le même plateau puissance et confort. Moyennant une barre d’écoute (en option), on peut encore y ajouter un foc autovireur qui achève de rendre aux invités le seul plaisir de la contemplation. Bonheur qu’ils retrouveront à l’intérieur, où même la version à trois cabines caresse l’oeil avec ses tecks alpi, inondée de lumière par les huit hublots.

Un havre de repos

Les ouvertures placées avec autant de pertinence dans les salles d’eau, la courbe des vasques et le soin apporté aux détails menacent l’équipage de longues stations d’attente et l’occupant de fermes rappels à l’ordre sur le thème : la douche n’est pas un salon… La cuisine en L, face à la table du carré, enchantera le coq de service, épaulé par un équipement standard bien pensé, notamment le four-feux sur cardan et judicieusement bordé de mains courantes en inox. Les cabines montrent que les réflexions rapportées des prédécesseurs du 409 ont été entendues : 1,92 m de hauteur sous barrot dans le carré et jusqu’à 1,97 m dans la cabine propriétaire autorisent une liberté de mouvement particulièrement agréable. La dimension des lits doubles (2 m sur 1,78 m max), tirant parti d’un bau généreux, transforment les lieux en véritables havres de repos, refuges douillets dotés de penderies enfin imaginées pour recevoir de vrais vêtements et pas des serviettes de cuisine. Le plancher lui-même contribue avec une touche de classicisme au sentiment diffus de bien-être général, encore accentué par la douceur des nouveaux vernis mats. Les panneaux de pont encastrés ouvrent vers le ciel et assurent une aération parfaitement satisfaisante, y compris sous les climats chauds. Les équipements, placards et rangements sont inspirés de ce que le chantier vendéen savait déjà très bien réaliser, mais en mieux, plus profonds et plus faciles à fermer comme à ouvrir. Détail qui peut paraître accessoire, mais dont l’oubli a vite fait de vous empoisonner l’existence.

À vivre, le 409 est ainsi prodigue en trouvailles ou la transformation des surfaces en multi-usages et le règne de l’escamotage intelligent dictent une loi dont on apprécie le joug avec reconnaissance.

Foisonnement d’astuces

C’est le principe général qui anime ce bateau assez révolutionnaire : prendre tous les éléments qui ont fait le succès de la gamme en les améliorant systématiquement. La succession, le foisonnement de ces détails qui simplifient les gestes de la vie quotidienne sont la marque du 409. Un label qu’on retrouve aussi dans l’éclairage, essentiellement fourni par des ampoules D.E.L., y compris en tête de mât. La distribution électrique est à la hauteur, avec 110 Ah pour le moteur et 220 Ah pour le domestique, relayés par deux panneaux solaires (en option) de 2 X 45 W, sur le pont. Le tout suffit amplement à ôter tout souci à un équipage de croisière familial. Même la table à carte, qui a tendance à jouer les parents pauvres sur les unités modernes, conserve ici tous ses droits immémoriaux. Logiquement placée dans le sens de la marche, elle est suffisamment large pour accueillir des instruments aussi désuets que les cartes marines destinées à ceux qui aimeraient remonter les rias jusqu’à Chicoutimi en traçant les points remarquables au bon vieux crayon AB… Ce qui n’empêche pas d’y installer traceur et écran radar (en option).

Mais c’est sur le pont que celui qui a été vite nominé pour l’« European Yacht of the Year 2011 » exhibe ses talents sans détour. Sa carène confortablement assise sur les élégants demi-bouchains se faufile avec aisance dans la vague, écartée plutôt que séparée. Le loch flirte avec les 7 noeuds, malgré une brise tombante. La puissance du grand foc s’exprime avec assurance entre les mains du barreur qui peut jouer sans effort sur le cintrage du mât. Le 409 est aussi docile à la commande que précis dans ses évolutions : la quille lestée travaille bien en raidissant la toile. On se prend à espérer le bonheur d’un long bord sans histoires tandis qu’on vérifie qu’au-dessus de la plate-forme de bain basculante l’eau de la douche de pont est assez chaude pour bénir l’escale. Sous le vent, confortablement calé, bercé par le glissement des vagues, l’équipier s’est endormi…

Thierry Montoriol

* Texte provenant de la parution Essais 2011 du magazine Québec Yachting.