Québec Yachting

Sun Odyssey 41 DS — L’ambition cachée d’un faux modeste

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Tout sauf un cogneur. Encore que, si on ferme le poing, l’animal peut se montrer raisonnablement agressif, notamment dans la brise. Pour le reste, le nouveau Sun Odyssey 41 DS fait plutôt dans le soft, échappant aux règles d’une série souvent dévouée aux arcanes de la location. C’est un pur produit du concept « bateau de propriétaire accueillant ». L’espace façonné par l’architecte tranche sans ambages avec les unités destinées à remplir un budget étroit par la multiplicité des bailleurs de fonds. Avec les autres, on savait à quoi s’en tenir, la plaquette des loueurs promettant un lit double pour tout le monde, une salle d’eau pour chacun et un WC pour chacun. Comme promis, les cuisiniers avaient tout sous la main, mais « coudes au corps » et en serrant les fesses, par crainte de congestion entre le tiroir du milieu et le placard de gauche. Comme promis, les WC étaient privés, où l’on avait des chances raisonnables d’entrer mais très peu d’en sortir, des lits assurément doubles, mais qui donnaient envie de demander à sa compagne de passer une nuit sur deux à l’air libre parce que, dormir en chien de fusil avec un genou dans les reins, on a trouvé mieux pour l’harmonie du couple…

Rien de tout cela avec le 41 DS, qui en est l’exact opposé. Deux cabines et seulement deux. Des salles d’eau larges, avenantes, qui laissent les mouvements libres et l’esprit en paix. De vrais lits avec de vraies dimensions (1,97 m x 1,90 m), juchés assez haut (1,20 m) pour que le rêveur se plonge dans la vision du large sans entrave. Les hublots y veillent, placés à hauteur de l’œil du candidat au sommeil encore debout comme de celui du dormeur déjà couché. Le gâteau promis possède une cerise, réservée à la cabine du propriétaire, lequel jouit de l’étonnant privilège d’observer les mouvements de mer à travers le hublot arrière, ouvrant, exactement dans l’axe du sillage. Vision insolite et paisible de l’écume déroulant ses lèvres ourlées entre deux oreillers…

L’espace convié à s’engouffrer dans une bulle 

Ce petit palais niché sur les hanches généreuses du 41 DS sait flatter l’œil par ses couleurs, aussi charnelles que douces au regard. La teinte des bois choisis, entre le blond noisette et le gris taupe, caresse d’ambitieuses ambitions de sérénité, encore épaulée par les angles arrondis ou le joint creux des meubles qui adoucissent les volumes. En effaçant les craintes de plaies et bosses. À bord d’un bateau, il suffit parfois de quelques centimètres supplémentaires pour tout changer. Ou de suggérer à l’architecte qu’il va devoir vivre lui-même à l’intérieur de sa création. C’est probablement ce à quoi s’est contraint Frank Darnet, complice d’Olivier Flahaut et auteur de ce design très abouti. Celui qui affirme à qui veut l’entendre que sa vie « a toujours été animée par deux passions : le design et la mer », ce qui n’engage à rien et fait joli, s’est quand même engagé à soigner chaque détail plutôt qu’à flatter le coup d’œil général. Un art de l’espace où « nous concevons des intérieurs agréables à vivre, qui procurent d’abord une sensation de plaisir », dit celui qui a dessiné plus de 1300 yachts de 15 à 56 mètres. Le sens de l’esthétique ne gomme pas celui de l’ergonomie fonctionnelle, celui du détail. Pas forcément heureux : quand Darnet remplace les clenches ordinaires par des « touch-latch » les placards sont toujours aussi difficiles à ouvrir, mais on n’apprend qu’ils sont fermés ou ouverts que lorsque tout se répand par terre. Cette manie qu’ont les designers de penser bouton plutôt que fermoir est récurrente dans leur milieu. Péché véniel. Le reste est parfait. Les boiseries en noyer, les équipements laqués blanc, les parquets veinés de filets disputent d’élégance avec les gainages de cuir, les accessoires en inox poli ou encore le vaigrage deux tons.

Donner pour moins cher un confort qui ne soit pas une illusion

Avant même de s’aventurer dans le carré, on se sent à l’aise entre les selleries de belle facture dont un œil exercé distingue immédiatement les coutures robustes et rassurantes. La lumière vient inonder de clarté naturelle un volume assez classique d’inspiration, éclairé par dix panneaux de pont ouvrants, hublots de coque généreusement distribués et vitrages de roof bien dimensionnés. Le tout n’est jamais tapageur et suggère de longues traversées bien à l’abri d’un espace marin pourtant convié à s’engouffrer sans dommages dans une bulle confortable et soyeuse. Un incomparable cocktail, rare sur des unités de moins de 45 pieds. C’est bien le privilège audacieux que revendique le chantier : donner pour moins grand et, surtout, pour moins cher un confort et une qualité de vie qui ne soient pas une illusion d’optique ouvrant fatalement sur la déconvenue à l’usage et l’amertume au bout du compte.

Avec le 41 DS, le pari est gagné, sans artifices et avec honnêteté. On trouve le même équilibre sur le pont. Conformément à la tendance désormais bien établie du « easy sail » les évolutions ne réclament qu’un équipage réduit à ceux qui ont réellement envie de se frotter aux joies désuètes de la manœuvre, du tour de manivelle et du réglage fin. Plaisirs qui ne sont pas encore interdits, mais il faut veiller à ce que les concepteurs ne s’égarent pas dans le sillage des fainéants tripoteurs de la philosophie du moindre effort et, surtout, du plaisir disparu, en leur tapant bien fort sur les doigts dès les premiers signes d’allégeance aux bousilleurs de l’esprit marin. La grande écoute est, comme c’est désormais l’usage, dissimulée aux regards et, surtout, écartée du cockpit où elle n’encombre pas la circulation. La tension est reprise à l’arrière, non loin du renvoi des écoutes de foc qui peut être autovireurs et on aurait tort de s’en priver, ou à recouvrement 106 %, pour les amateurs de largue débridé. La double barre achève de donner un look régatier à une unité dont ce n’est pas l’ambition, mais dont la carène à bouchains évolutifs, dessinée par Philippe Briand, peut procurer des moments assez exaltants. Ajoutons, pour parfaire un tableau déjà outrageusement panégyrique, que le 41 DS est compatible avec le système 360 docking, autorisant des manœuvres de port propres à susciter l’admiration générale. Un bateau qui rend fier et heureux. Très honnêtement, que demander de plus?

Fiche technique

Longueur hors tout : 12, 34 m / 40 pi 5 po
Longueur coque : 11 m / 36 pi 1 po
Largeur : 4 m / 13 pi 1 po
Déplacement lège : 7650 kg / 16 865 lb
Tirant d’eau : 1,55 m / 5 pi 1 po à 2,10 m / 6 pi 10 po
Motorisation : Yanmar 40 CV / 29 Kw
Carburant : 200 l / 53 gal US
Eau : 330 l / 87 gal US
Surface voilure au près : 66 m² / 710 pi²

Par Thierry d’Entrayigues

* Essai provenant de la parution Essais 2013 du magazine Québec Yachting.

Vidéo en anglais seulement.