Québec Yachting

Un sport en pleine évolution ― La motomarine, d’hier à aujourd’hui

Sea-Doo RXP-X 2012.

Sea-Doo 1968.

Pierre Beaudoin en présence du premier Sea-Doo moderne de la ligne de production à Valcourt, Québec.

Sea-Doo SI, ST et GT 1990.

Sea-Doo XP 1991.

Sea-Doo HX 1995.

Sea-Doo GTX 1992, la première motomarine performante de luxe.

Sea-Doo GTX 1994.

Sea-Doo XP 1994.

Au moment où Sea-Doo fête ses 25 ans dans la production de motomarines de l’« ère moderne », l’année 2013 est toute désignée pour effectuer un retour en arrière quant aux origines de cette industrie et de ce sport. Même si plusieurs inventions clés et de grands développements ont marqué cette période, il faut avouer toutefois que la motomarine d’aujourd’hui est le résultat d’une évolution plutôt que d’une révolution.

Avec trois fabricants bien établis dans le domaine des sports motorisés qui se sont lancés dans la conception et la production de modèles destinés à la plaisance, le marché actuel des motomarines semble s’être discipliné si on le compare à celui des années 80 et 90, alors que plusieurs nouveaux fabricants se bousculaient pour obtenir des parts de  marché. Au début de cette période, nombreux sont ceux qui ont échoué dans leurs tentatives. Toutefois, selon le mode de pensée darwinien, leurs concepts ont quand même jeté les bases technologiques qui ont permis d’en arriver à la motomarine que nous connaissons aujourd’hui.

Il est évident que si une personne qui vivait en 1988 remontait le temps jusqu’à aujourd’hui, elle serait à la fois stupéfaite et enchantée de voir la gamme de modèles Sea-Doo 2013 de BRP, des motomarines silencieuses, écoénergétiques et performantes, équipées d’un régulateur de vitesse, d’un système de freinage et de suspensions ajustables. Toutefois, notre voyageur des années 80 pourrait également être étonné d’apprendre que la motomarine est devenue plus qu’un engin agile et rapide sur l’eau, mais aussi un véhicule confortable pour la randonnée et la pratique des sports nautiques. Technologiquement parlant, les motomarines ont beaucoup évolué, mais il faut aussi tenir compte du fait que ceux et celles qui les utilisent aujourd’hui le font d’une manière différente.

Commençons par un peu d’histoire…

Bombardier, l’entreprise québécoise qui a lancé la marque Sea-Doo, a été la première, en 1968, à fabriquer et à mettre en marché une motomarine équipée d’un moteur à jet. Forte du succès remporté par la commercialisation de la motoneige Ski-Doo, Bombardier a donc mis tous ses efforts dans le créneau de la plaisance et confié à l’inventeur Clayton Jacobsen II de l’Arizona, un passionné de sports motorisés, la tâche de concevoir un prototype de motomarine Sea-Doo.

Le résultat : la motomarine Sea-Doo 320, équipée d’un moteur Rotax de 318 cc, d’une puissance de 18 ch. Conçue pour filer jusqu’à 30 mph, elle atteindra finalement environ 20 mph, selon certains rapports. La Sea-Doo 372, un modèle de 368 cc lancé en 1969, a fait un peu mieux. Toutefois, en raison d’obstacles techniques rencontrés avec la motomarine Sea-Doo ainsi qu’une surchauffe du marché de la motoneige qui exigeait plus de prudence de la part du fabricant, Bombardier cesse, en 1970, de construire et de commercialiser sa motomarine Sea-Doo. La reprise se fait seulement en 1988, après deux années intenses de recherche et développement, alors que le marché devient très compétitif. En effet, plusieurs modèles équipés de moteurs à jet à deux temps se disputent alors un marché déjà très restreint.

On attribue également le crédit à Jacobsen d’avoir inventé la Jet Ski, produite d’abord par Kawasaki en 1972 (Yamaha lança sa version, la Super Jet, en 1990). Équipée d’un moteur à deux temps de 400 cc refroidi à l’eau, la Jet Ski était conçue pour être conduite en position debout à l’aide de poignées articulées. Toutefois, malgré son agilité sur l’eau, cette motomarine exigeait beaucoup de la part du conducteur en termes d’apprentissage de conduite.

Attirant quand même un certain nombre d’irréductibles, les Jet Ski eurent droit, dès 1984, à leur propre circuit de compétition sanctionné par l’IJSBA (International Jet Sports Boating Association), un événement d’envergure mondiale tenu à Lake Havasu, en Arizona.

Vers la fin des années 80, les fabricants majeurs et privés de ce type d’engin prirent conscience de l’intérêt suscité par la motomarine. Reconnaissant également les limites des modèles à conduite en position debout, plusieurs fabricants commencèrent à diversifier leur gamme de modèles et de nouveaux joueurs firent leur entrée sur scène.

Yamaha fut le premier, en 1986, à se lancer dans la production d’une motomarine pouvant accueillir deux personnes assises avec la WaveRunner 500, d’une puissance de 32 ch. Le fabricant a poursuivi sur sa lancée, en 1987, avec la WaveJammer, un modèle pour une seule personne, afin de concurrencer la X-2 de Kawasaki, introduite une année plus tôt. Les modèles X-2 et WaveJammer étaient des machines plutôt instables mais très agiles sur l’eau. Semblables à des motos, ces modèles ont vite fait de participer à des compétitions sportives dans cette nouvelle catégorie. Cependant, comme les Jet Ski, ils étaient amusants à conduire mais beaucoup trop difficiles à maîtriser sur l’eau pour attirer les jeunes familles et les débutants.

Pour leur part, les modèles de plaisance avaient plus d’attrait pour ce type de clientèle. Ainsi, quand Bombardier effectua un retour sur le marché, soit en 1988, avec la Sea-Doo SP, dotée d’une coque en V et d’un moteur à deux temps à valve rotative de 55 ch, c’est à partir de ce moment que l’ère de la motomarine de plaisance a vraiment commencé.

Ironiquement, les deux jeunes hommes qui ont contribué au retour de la motomarine Sea-Doo étaient les fils de ceux qui avaient tenté leur chance vingt ans plus tôt. Il s’agit de Pierre Beaudoin, actuellement président et chef de la direction de Bombardier, fils du président Laurent Beaudoin de Bombardier, ainsi que Denys Lapointe, maintenant vice-président Design & Innovation chez BRP, fils de Sam Lapointe, un employé de Bombardier. Même si leurs pères avaient une longueur d’avance sur leur époque vers la fin des années 60, la marque Sea-Doo continua de connaître une expansion considérable à la fin des années 80 et 90.

Le design moderne et les couleurs attrayantes des nouveaux modèles, leur technologie de pointe ainsi que leur prix relativement bas ont tout de suite su répondre aux besoins des plus jeunes comme des plus vieux. Même en dépit d’une récession économique et de problèmes de libre-échange tôt au milieu des années 90, alors que de nombreux fabricants ont dû fermer boutique, Sea-Doo et Bombardier continuèrent de prospérer.

Lancée en 1990, la Sea-Doo GT a beaucoup contribué à l’expansion de la marque, en plus de jeter les bases du futur de la motomarine. En effet, la stabilité de ce modèle à trois places sur l’eau a tout de suite plu aux jeunes familles ainsi qu’aux amateurs de sports nautiques. Avec ce modèle, on pouvait faire de la plaisance et même remorquer un skieur en toute légalité. En outre, il était possible de reculer, ce qui rendait plus facile son stationnement le long d’un quai pour le conducteur. Sea-Doo fut donc le premier fabricant de motomarines à lancer un modèle à trois places. Aujourd’hui, ce segment occupe environ 90 % du marché.

Cependant, en 1991, les modèles à deux places mènent toujours le bal, au moment où Sea-Doo lance la XP, une motomarine orientée vers la performance. Son agencement de couleurs chaudes, son moteur Rotax de 480 cc muni d’un système d’échappement ainsi que la promesse de vitesses de pointe allant de 44 à 46 mph lui assurent un succès immédiat. La Sea-Doo XP contribuera du même coup à faire connaître la marque auprès du circuit de compétition de l’IJSBA.

Les années 90 apporteront leur lot d’innovations chez Sea-Doo. Entre autres, l’adhésion de Bombardier au circuit de compétition; le lancement d’un modèle à bras, la Sea-Doo HX, en 1995; le système de réduction du bruit D-Sea-Bel, en 1997, permettant d’atténuer le son des motomarines de 50 %; la technologie à injection directe Orbital pour les moteurs à deux temps des modèles GTXDI et RXDI, mise en place en 1999, qui permet de réduire les émissions et la consommation d’essence sans nuire à la performance du moteur à deux temps; et le lancement du modèle LRV, en 1999, une motomarine à quatre places, équipée d’une plateforme de bronzage.

Les récompenses fusent également de toutes parts durant ces années, dont le prix Innovation décerné par l’IMTEC en 1994 pour le modèle HX, ainsi que le Prix d’excellence en design industriel, décerné à toute la gamme Sea-Doo dans le cadre des Prix IDEA.

Les années 90 sont aussi marquées par une forte concurrence pour Bombardier, de la plus digne à la plus farfelue. La WaveBlaster de Yamaha concurrence les modèles de Kawasaki dans la catégorie des puissantes motomarines à bras. Pour leur part, les nouvelles WaveRunner de Yamaha, dont un modèle à quatre places, font dorénavant concurrence à Sea-Doo sur le marché des motomarines de plaisance.

Kawasaki se taillera par la suite une part du marché avec le lancement de ses modèles Jet Ski TS à deux places. D’autres innovations de Kawasaki, dont les modèles Jet Mate à trois places (de forme rectangulaire) et Jet Ski Sport Cruiser (de type côte à côte), ne dureront qu’un temps.

De son côté, Suzuki lancera un gros modèle à deux places, l’UltraNautics Seaflash, sur le marché canadien, qui s’avérera un feu de paille. La gamme UltraNautics comportait également un modèle haute performance de 798 cc, la WetBike. Ce modèle était équipé de deux skis et se conduisait un peu comme une moto sur l’eau. Il sera cependant boudé du grand public, et ce, même avec l’ajout de stabilisateurs (comme pour une bicyclette) pour apprendre à le conduire.

Plusieurs modèles de motomarines s’apparentant à des planches de surf feront leur apparition, dont la Surf Mate (distribuée au début par Bombardier), la Powerboard, un modèle hors-bord conçu en Australie, et plusieurs années plus tard, la PowerSki. Toutefois, malgré leur plaisir de conduite, ces modèles n’auront pas le succès escompté auprès des amateurs de motomarines.

Malgré cette forte concurrence, Bombardier continuera de prospérer avec sa 500 000e motomarine Sea-Doo produite à Valcourt, au Québec, en 1997.

Par la suite, le fabricant Zodiac s’attaquera à ce marché avec le lancement de son modèle ProJet, un pneumatique rigide hybride; Sea-Doo suivra le mouvement en lançant son modèle Explorer et en lui ajoutant des couleurs plus vives ainsi que des sièges supplémentaires à l’arrière. Boston Whaler entrera également en scène avec son modèle Rage, de même qu’Eckler Watersports avec la Jet’N Spray, une petite embarcation équipée d’un moteur à jet, semblable à une motomarine en raison de la forme de sa coque et de son guidon.

Malgré la présence de plus d’une douzaine de fabricants qui tentent de se tailler une place sur le marché des embarcations équipées d’un moteur à jet, Sea-Doo poursuit sa croissance avec le lancement, en 1994, de son modèle Speedster, un bateau sport propulsé par deux moteurs jumelés, ainsi que le Sporter, issu de la même gamme.

Au milieu des années 90, Yamaha, Kawasaki et Sea-Doo dominent le marché du côté des motomarines en compagnie de Tigershark (avec six modèles pouvant aller jusqu’à 100 ch), une gamme lancée par Artco, le fabricant des motoneiges Arctic Cat, puis Polaris, un autre fabricant de motoneiges (avec quatre modèles sport d’une puissance maximale de 80 ch), et finalement, le fabricant de bateaux de sports nautiques MasterCraft, avec ses motomarines WetJet (quatre modèles d’une puissance maximale de 85 ch).

À titre de comparaison, en 1995, Yamaha offrait huit modèles, dont deux à conduite debout ainsi que son modèle sport WaveBlaster et les WaveVenture et WaveRunner III GP à trois places. Pour sa part, Kawasaki présentait sept modèles, dont deux à conduite debout (comme la SXi, conçue pour la course avec ses 75 cc) ainsi que la STS, un modèle à trois places d’une puissance de 80 ch.

Les motomarines à trois places sur le marché constituaient en quelque sorte une réponse de la concurrence devant l’énorme succès remporté par Sea-Doo avec son modèle GTS de 60 ch ainsi que celui de la GTX, une motomarine haut de gamme d’une puissance de 80 ch. Grâce à leur coque capable d’affronter facilement les vagues à haute vitesse et un réservoir d’essence plus volumineux, les deux modèles ont fait la preuve chez les plaisanciers que la motomarine était bien plus qu’un engin pour exécuter des pirouettes sur l’eau et filer à toute vitesse. Elle pouvait également avoir une double utilité, soit de remorquer un skieur et de servir pour la randonnée. La GTX a même démontré, au cours des années 90, lors du Pro Wakeboard Tour couvert par ESPN, sa facilité à remorquer les compétiteurs en servant de bateau d’exécution pour près de la moitié des participants. Ceux qui voulaient parcourir plus de distance avec la GTX ont même eu droit à un siège plus ergonomique et donc plus confortable.

La suite de ce reportage sera mise en ligne à la fin du mois de juillet 2013.

Ce texte a été publié dans le magazine Hiver 2013 de Québec Yachting.