Québec Yachting

Lagoon 39

Le mouton à cinq pattes


Photos : photothèque de Lagoon – Nicolas Claris

Assez curieusement, chez Lagoon, rien n’est négligé pour présenter le dernier-né comme le mouton à cinq pattes. Encore plus étrangement, le chantier insiste sans fards sur les performances attendues de celui qui vient s’inscrire entre le populaire 380 et l’ambitieux 400’S2.

Étrange parce que, très sincèrement, au premier coup d’œil, on n’attend pas du 369 des fulgurances de vitesse. L’engin est carré, d’aspect robuste et fiable, tenant plus du labrador infatigable que du lévrier excité. Les chantres maison n’en démordent pourtant pas : les plans sont de Guillaume Verdier et VPLP (Van Peteguen-Lauriot Prévost) signataires de Groupe Bel, Foncia et autres géants de la course au large, c’est rien de le dire… Ajoutez à cela, disent-ils, un grand triangle avant pour élargir le choix des voiles de portant, et c’est encore un « gage de performances » tout comme le mât reculé, sans compter la grand-voile plus large en haut dont on me suggère qu’elle profite ainsi de vents moins perturbés pour, à nouveau « un réel gain en performances ».

Tout est avancé comme si le 39 devait pallier de pénibles cicatrices laissées en héritage par ses pairs à plusieurs coques. Cette confusion des genres nuit un peu à cet honnête bateau qui tient pourtant ses promesses sans faire de chichis. Car enfin, que lui demande-t-on vraiment? Essentiellement trois choses : offrir un confort approchant celui de la maison qu’on vient de quitter, garantir une sécurité accrue pour se déplacer à bord sans vivre dans l’angoisse d’une mer un peu formée et enfin fournir dans la brise comme dans les petits airs des prestations de vélocité inconnue des catas lourdauds qui font l’ordinaire du paysage. Bon, eh bien voilà, le 39 réussit à tout mettre dans le même cornet!

Favoriser le développement durable

Comme à la maison : c’est le pari réussi du 39. Contrairement à la plupart des embarcations, naturellement rondes pour épouser les formes de carène, le nouveau cata privilégie les angles droits. Sans oublier d’arrondir les angles : on est quand même sur un bateau qui est censé bouger, gigoter parfois, rouler dans certains cas et même tanguer un peu, ça arrive… Mais le look général a la rassurante facture d’un intérieur bourgeois. Les menuiseries sont à l’avenant, tons clairs en bois reconstitué pour favoriser le développement durable. C’est gentil tout plein pour les forêts africaines. Les vitres, comme à la maison, sont bien verticales, améliorant au passage la hauteur sous barrot et réfractant moins le soleil. L’équipe de Nauta Design qui s’est chargée d’exploiter les volumes montre un réel talent, associant imagination et ingéniosité. La version deux cabines (on peut aussi choisir trois ou quatre cabines) est la plus flatteuse. Chaque coque étant traitée sur le registre « propriétaire ». Ce qui est assez nouveau et bien pensé. La chambre, pas d’autre mot, propose un coup d’œil familier où le sentiment de confort s’ajoute au plaisir d’ouvrir la vue sur la mer comme sur le ciel avec ses hublots zénithaux. Lits très grand format, bureau et divan voisinent penderie et rangements profonds. Les salles de bains sont franches aux coudes et s’il n’y a pas encore de baignoire, c’est probablement parce que la mer pourvoit au désir. L’accès au bain se fait par deux escaliers comme si on accédait à une piscine de luxe. Le Lagoon 39 est d’ailleurs un amusant parcours où les marches jouent un rôle essentiel. On monte et on descend tout le temps. Pour se jucher sur le poste de barre dominant l’horizon comme une vigie, pour donner un tour de manivelle sur le winch du flybridge ou encore pour aller se cacher derrière mât et voiles en aspirant à la discrétion d’un bronzage sur le filet avant. L’impression de sécurité est partout présente et on sent bien la vocation familiale prévaloir sur toute autre considération dans la détermination du concepteur.

Les astuces qui facilitent la vie

Vu de l’extérieur, si le Lagoon 39 ne peut s’extraire de l’aspect ordinaire de tous les catamarans, ses étraves verticales biseautées allègent la silhouette et suggèrent en effet des velléités de performances. Qu’on trouve avec surprise et bonheur, pourvu qu’on ne rechigne pas à envoyer les grandes toiles sur l’avant. Les coques n’enfournent jamais, l’assiette est impressionnante et la stabilité en route, même aux allures près du vent, rassure le cuisinier le plus distrait.

On trouve d’autres astuces qui facilitent la vie à bord, comme cette coupée sur double arceau inox qui permet de retrouver les commodités d’embarquement par le côté. Très pratique quand on est amarré à un ponton. Ou encore les sorties de câbleries électriques en coude au pied du mât, à la jonction avec le pont, qui évitent l’humidité là où elle n’est pas du tout nécessaire et accessoirement protègent l’étanchéité au point faible de tout bateau. Les sièges d’angle aux extrémités de coque donnent aux passagers des occasions de sensations très prisées, tandis que le roof en sustentation accueille toutes les manœuvres et autorise le barreur à procéder seul à la plupart des réglages de route.

En résumé, un bateau bien protégé, capable de vitesses très honnêtes, facile à gérer en équipage réduit, voire en solitaire, et bien dans la façon de la nouvelle génération des Lagoon.

FICHE TECHNIQUE

Longueur hors tout : 38 pi 6 po / 11,74 m
Bau maximum : 22 pi 3 po / 6,79 m
Tirant d’eau : 4 pi 1 po / 1,27 m
Tirant d’air : 60 pi 4 po / 18,40 m
Déplacement lège : 23 340 lb / 11 670 kg
Surface de voilure : 817 pi2 / 76 m2
Réservoir d’essence : 2 x 53 gal US / 2 x 200 litres
Réservoir d’eau : 79 gal US / 300 litres
Motorisation : 2 x 21 ch

Par Thierry Montoriol

* Essai provenant de la parution Essais 2014 du magazine Québec Yachting.