Québec Yachting

Voyage sur l’eau et dans l’histoire

Crédit photo : Dewitt, Shutterstock.

L’avènement du GPS à la fin du 20e siècle a chamboulé l’univers de la précision du positionnement en temps réel. Ce qu’on oublie souvent, c’est qu’on doit vivre avec des précisions diluées pour des données recueillies avant cette ère dans leurs transformations pour être compatibles le plus possible avec le réseau GPS. Chaque voyage que nous entreprenons selon notre mode de transport approprié, que ce soit sur terre, sur mer et dans les airs, est un voyage dans le temps avec tout ce que cela comporte en termes de défis pour notre sécurité.

J’utiliserai le paragraphe sur les sources du bloc titre de la carte marine ± 1223 (chenal du Bic et les approches) afin d’évaluer l’ordre de grandeur sur la distance d’approche sécuritaire à conserver d’un obstacle ou d’une entité sous-marine ou terrestre.

Bloc titre de la carte marine 1223.

1) Pensez-vous que les échosondeurs existaient en 1911 et 1912? Si votre réponse est non, vous avez raison. Les sondages étaient faits avec un plomb de sonde à partir de repères terrestres visibles de l’embarcation. Donc, aucune couverture totale. Que des mesures discrètes. Par contre, les hydrographes de l’époque pouvaient repérer des anomalies sous-marines à partir de changements subtils à la surface et des discussions avec les marins de la place.

2) Pensez-vous que le positionnement automatisé en temps réel à la référence WGS 84 était utilisé au début du 20e siècle pour reporter les positions des sondages? Encore une fois, si votre réponse est non, vous avez raison. Avant l’avènement du WGS 84, il y a eu le NAD1983 et, auparavant, le NAD1927 pour déterminer sa position planimétrique (latitude et longitude). En 1911, ces deux dernières références planimétriques n’existaient pas encore. Les données ont été recalculées pour être compatibles avec la référence officielle de l’époque à chaque fois. Qui dit transformation, dit dilution de la précision.

En bref, gardez une distance sécuritaire de ± 50 mètres, surtout si l’intégrité de votre embarcation est en jeu pour des levés de basse précision ou de mesures discrètes. Du côté de la profondeur, les mesures ont été transformées du système anglais (brasse, pieds, etc.) d’origine au système métrique. Utilisez la règle du 2 mètres + 5 % de la profondeur. Par exemple, pour une profondeur de 10 m sur une carte marine, cela vous donnera une précision verticale de ± 2,5 mètres.

Étampe apposée à la sortie du Bureau des cartes marines indiquant la date de la dernière mise à jour.

En continuant la lecture du paragraphe sur les sources du bloc titre, on note aussi des levés faits en 1969 et 1970 pour les régions moins profondes. À cette époque, les échosondeurs disponibles étaient des monofaisceaux dont les fauchés ne se recouvraient pas. Le nombre de transformations pour être compatible au WGS 84 est moindre et les connaissances sur la célérité du son dans l’eau ont accru la précision des profondeurs. Mais gardez tout de même une distance sécuritaire de ± 20 mètres et considérez la précision des profondeurs, parfois au système anglais, parfois au système métrique, en utilisant la règle du 1 mètre + 2 % de la profondeur, ce qui donne pour une profondeur de 10 mètres une précision verticale de ± 1,2 mètre.

Depuis le début du 21e siècle, l’usage des multifaisceaux avec couverture totale et le GPS en mode différentiel en référence au WGS 84 est de plus en plus fréquent. La distance sécuritaire à conserver d’un obstacle est de ± 5 mètres et la précision des sondes est de 0,5 mètre + 1 % de la profondeur, ce qui donne pour une profondeur de 10 mètres une précision verticale de ± 0,6 mètre.

Notes sur la nouvelle édition et la dernière correction par les Avis aux navigateurs.

Même si vous utilisez une carte comportant des levés modernes, il se peut que des modifications naturelles ou anthropiques se soient produites pouvant avoir des conséquences sur la façon de naviguer. Il est important de s’assurer que la carte marine utilisée (papier ou numérique) soit à jour. Si vous détenez une carte marine papier ayant une étampe apposée après l’impression de la carte, vous devriez vérifier vos cartes et les renouveler, car les mises à jour sont intégrées depuis quelques années lors de l’impression de la carte marine par le Bureau des cartes marines (www.cartes.gc.ca). Faites de même avec vos cartes numériques et vérifiez la dernière mise à jour des Avis aux navigateurs (www.notmar.gc.ca) de votre jeu de cartes.

Prévoyez un budget annuel pour le remplacement complet des cartes et documents nautiques papier ou numériques sur un horizon d’années que vous déterminerez ainsi que l’acquisition de documents changeant annuellement, telles les Tables des marées et des courants.

Bref, il est important de bien comprendre les données, leurs précisions et leurs limitations pour une utilisation sécuritaire de celles-ci. Si vous avez besoin d’information supplémentaire, n’hésitez pas à communiquer avec des personnes ou des organismes qualifiés.

À bientôt!

Bernard Labrecque
Président
Association canadienne d’hydrographie
Section du Québec
bernard.labrecque@globetrotter.net

*Cet article a été publié dans le magazine Automne 2018 de Québec Yachting.