Québec Yachting

COVID-19 : Qu’est-ce que vous devez faire si vous êtes un canadien dans le Sud et que la saison des ouragans qui approche vous inquiète?

Partir du Sud avant la saison des ouragans.

Voici ce que suggère Pierre Lefebvre, auteur, conférencier et professeur à l’École de navigation de la Société de sauvetage, s’il était dans votre situation. Celui-ci a effectué plusieurs transats et deux remontées des Antilles vers le Canada.

Rester ou partir?

Si j’étais à Saint-Vincent ou dans une île plus au sud, je resterais sur place, car le risque d’ouragans est minime. Pour vous convaincre, visitez le site suivant : https://www.nhc.noaa.gov/data/#tracks_all. Si un ouragan semblait vouloir se diriger vers mon havre, je tenterais de descendre plus bas (la situation de confinement pourrait être différente à ce moment-là).

Dès le départ, j’oublierais l’option d’entrer aux États-Unis, le pays le plus contaminé par la COVID-19. Pour l’instant, il semblerait que les navigateurs puissent entrer sans problèmes aux États-Unis, mais on a vu qu’en temps de pandémie, les frontières peuvent se fermer très rapidement : parlez-en à ce couple de navigateurs britannique, Elena Manighetti et Ryan Osborne, qui a dû se réfugier à Saint-Vincent, après s’être vu refuser l’accès en Martinique.

N’oubliez pas que le seul pays encore prêt à vous accueillir, en tout temps, c’est le Canada.

L’Anse à la Barque, Guadeloupe.

Les trajets

Si j’étais aux Bahamas, aux États-Unis ou dans une île à l’ouest des Vierges, je me rendrais dans le Gulf Stream et je profiterais de cette autoroute. Je continuerais, d’une journée, ma route vers l’Est, après avoir dépassé la longitude de Canso. Puis je me dirigerais vers Canso en tenant compte des courants qui portent à l’ouest, entre la Nouvelle-Écosse et le Gulf Stream. En cas de vents forts du NE (plus ou moins 45° et supérieurs à 30 nœuds), je sortirais au sud du Gulf Stream, le temps d’avoir une météo plus clémente.

Si je partais des Bermudes, des Vierges ou de Saint-Martin, je ferais route franc nord, en passant à l’ouest des Bermudes. Rendu dans le Gulf Stream, j’agirais comme si j’étais parti des Bahamas.

Le trajet de Saint-Martin ou des Vierges vers Canso prend environ trois semaines. Ceux qui n’ont jamais fait de pleine mer peuvent se rassurer : vous aurez du temps pour vous amariner doucement. En effet, la semaine pour se rendre aux Bermudes se fera avec des vents portants relativement doux, puisque les dépressions sortant de la côte américaine se font, en général, mater par l’anticyclone des Bermudes.

Vous pouvez facilement enlever une semaine à votre voyage, si vous partez des Bermudes.

N’ayant jamais fait le trajet par le Gulf Stream, je ne peux que supposer que vous pourrez mettre entre deux et trois semaines, car, si la vitesse sur le fond augmente, la distance, aussi, augmente.

L’avitaillement. Calculez le double nécessaire pour la durée du retour prévue. 

Les préparatifs

Dès le départ, il faut penser à communiquer avec le Ministère des Affaires étrangères du Canada pour savoir si vous pouvez rentrer. Ces démarches pouvant être longues, je vous suggère de déléguer la tâche à un proche (parent ou ami) confiné à la maison.

Faites votre avitaillement en calculant le double nécessaire pour la durée du retour prévue. Mieux vaut avoir trop de provisions que d’en manquer… Les pâtes, les légumineuses et les conserves se gardent bien. Vous pourrez pêcher, si le cœur vous en dit.

Attendez les dernières journées avant le départ pour acheter les fruits et légumes frais. Un petit truc consiste à acheter des bananes jaunes pour la première semaine et des vertes pour la semaine suivante.

Faites le plein d’eau à la dernière minute. Commencez, dès ce moment, à rationner votre eau. Nous n’avons jamais manqué d’eau en calculant une consommation de deux litres par personne par jour. Nous avions prévu quelques contenants de quatre litres d’eau embouteillée pour parer à une éventuelle contamination des réservoirs.

Embrun.

Le départ

Je partirais seulement au début de la quatrième semaine de mai. Selon moi, c’est la période la plus favorable, après les tempêtes printanières et avant la saison forte des ouragans.

Je partirais seulement après m’être assuré que la météo ne prévoit pas de gros temps. Vous aurez remarqué que les changements climatiques ont entraîné des saisons d’ouragans plus erratiques. Pour la navigation, je suggère de vous fier aux prévisions américaines Off Shore et Hight Seas du National Oceanic and Atmospheric Administration (NOAA). Elles sont, en général, fiables. Surtout, plus fiables que les cartes Gribb qui ne sont que des cartes de données brutes. Il faut se rappeler que c’est le NOAA qui prépare les prévisions des ouragans en Atlantique Nord.

Je partirais seulement après avoir vérifié, une dernière fois, auprès des autorités canadiennes si j’ai l’autorisation de rentrer.

Je partirais seulement après avoir vécu en quarantaine à bord en respectant les règles strictes de confinement et de distanciation sociale.

Surtout, je remettrais mon départ si l’un des membres d’équipage présentait des signes de toux sèche, de fièvre ou de problème respiratoire.

La navigation

De façon à économiser notre énergie, nous ne faisions que des quarts de trois heures au maximum. L’autre qui se reposait, demeurant toujours disponible pour une manœuvre. À trois équipiers, la vie était plus facile. Nous gardions les quarts de trois heures. Mais le troisième matelot pouvait dormir en toute tranquillité n’étant obligé d’aider qu’en cas d’absolue nécessité (ce qui ne s’est jamais produit).

Lors du passage d’un front, il arrive que la mer agite le bateau et rende les conditions très inconfortables. À quelques reprises, nous avons utilisé la cape courante. Dans le carré, nous avions presque l’impression que le mauvais temps était terminé. La technique consiste à border la voile d’avant à contre, c’est-à-dire à border serrée la contre-écoute : ainsi, la voile vient bloquer le vent dans la grand-voile. La barre est coincée de façon à dériver sur une trajectoire stable (on oublie pour quelques heures la route à faire).

Dans des vents de 35-40 nœuds, nous avions deux ris dans la grand-voile et nous bordions le tourmentin à contre. Si vous n’avez pas de tourmentin, roulez la voile jusqu’à environ 40% du triangle avant. Le régulateur barrait pour nous. J’éviterais d’utiliser le pilote automatique pour empêcher un bris et une perte d’énergie.

Pour plus de détails, n’hésitez pas à cliquer sur l’ongle Nous joindre sur le site pierredelune2.com ou en écrivant à l’adresse suivante editionspdlune@yahoo.ca et en mettant la mention : Ouragan vs COVID-19.

Bon retour!

Pierre Lefebvre
Marin depuis plus de 45 ans