Québec Yachting

Un arrêt un peu plus long que prévu à Grenade

Air Cool sous un arc-en-ciel dans l’ancrage de quarantaine à Saint-Georges.

L’équipage du Air Cool est arrivé à Grenade, l’île la plus au sud de la chaîne des Caraïbes, en juillet 2020, après une navigation éprouvante directement de Puerto Rico, car toutes les frontières des îles étaient fermées à cause de la pandémie de la COVID-19. 

Cette destination est très populaire dans les Caraïbes, car les navigateurs vont s’y cacher pour la saison des ouragans qui sévit de juin à novembre. En principe, la situation géographique de Grenade l’épargne des tempêtes tropicales et des ouragans. Ceux-ci débutent par des ondes tropicales au large de l’Afrique, qui sont ensuite poussées vers l’ouest par les alizés (informations :  https://fr.wikipedia.org/wiki/Onde_tropicale). Par contre, Grenade a été dévastée par l’ouragan de catégorie 3 nommé Ivan en 2005, alors on n’est jamais 100 % à l’abri.

 

L’équipage du Air Cool au coucher de soleil à Anse La Roche.

À l’arrivée, nous avons fait une quarantaine dans l’ancrage rouleur juste en face de Saint-Georges à Grenade. Après une dizaine de jours, nous étions plus qu’heureux d’être autorisés à aller à terre à la marina de Port-Louis afin de passer notre test de COVID-19, qui s’est avéré négatif. Quel bonheur d’être accueillis sur cette magnifique île et de pouvoir y circuler librement. 

Nous sommes aussi soulagés après toutes ces péripéties d’être arrivés à notre destination finale pour la saison des ouragans pour que notre Air Cool y soit en sécurité. Également, c’est une pause méritée pour l’équipage, qui en a vu de toutes les couleurs depuis les derniers mois. Tout quitter au Québec afin de se rendre dans les Caraïbes sur son voilier comporte déjà son lot de défis, mais si on ajoute la COVID-19 par-dessus le tout… Disons que ça ajoute une couche ou deux de défis supplémentaires.

Nous avons décidé de passer quelques mois à la marina du Phare Bleu, au sud de Grenade. À cette marina, en plus d’une piscine et un restaurant, il y a également une super boucherie/épicerie fine (Meat and Meet Market) tenue par un couple de Québécois, Marie-France et Gilles (qui étaient auparavant propriétaires d’une autre marina à proximité). Ils font même des cretons, c’est le paradis! Pour nous, ce sont donc des vacances de notre voyage. 

Les ancrages intéressants se situent pratiquement tous dans les baies du sud de Grenade, dont les principales sont Prickly Bay, Mount Hartman Bay, Hog Island et Woburn Bay. On retrouve beaucoup de commodités à proximité pour les navigateurs, car c’est une destination très développée pour le yachting. Il y a des magasins spécialisés pour les pièces de bateau, une voilerie, des spécialistes pour la création et la réalisation de toiles et de coussins, des marinas pour pouvoir sortir le bateau de l’eau et des équipes spécialisées en polissage, peinture anti-salissures, entretien et réparations de moteur, etc. Les navigateurs profitent généralement de la saison des ouragans pour faire l’entretien et l’amélioration de leur bateau et c’est vraiment l’endroit idéal pour ça. C’est d’ailleurs dans nos projets de refaire une petite beauté à Air Cool, qui l’a bien mérité.

Marina du Phare Bleu, au sud de Grenade.

Nous sommes arrivés au Phare Bleu depuis seulement quelques jours et nous surveillons déjà la dépression Seven qui est dans l’Atlantique et qui montre des signes d’organisation. Évidemment vu que c’est 2020 et que rien cette année ne fonctionne comme prévu, la NOAA publie sa prévision de tempête tropicale Gonzalo avec une trajectoire prévue directement… suspense… je vous laisse deviner… bien oui, l’œil de la tempête se situe directement sur Grenade.

Course de petits voiliers dans Woburn Bay.

Immédiatement, la marina met en place le plan en cas d’ouragan. Pour notre part, on doit contacter nos assurances et envoyer de la documentation au cas où il y aurait des dommages au bateau ou qu’il serait une perte totale. Tout cela était bien abstrait quand nous étions au Québec, et tu te dis que ça ne peut pas t’arriver, mais pour nos amis navigateurs, lisez vos contrats d’assurance très attentivement et préparez-vous en conséquence. Nous étions bien contents d’avoir pris nos précautions, parce que c’est une situation très stressante; il y a malheureusement des gens qui ont découvert qu’ils n’étaient pas couverts ou pas assez.

Air Cool en mode ouragan.

Sur le bateau, il faut enlever le dodger, le bimini, les voiles et tout ce qui pourrait avoir une prise au vent en cas d’ouragan, car la NOAA prévoit maintenant que ce devrait être un ouragan (le bonheur!…). C’est relativement la panique sur l’île puisque tout le monde se prépare en conséquence. Certains vont s’attacher dans la mangrove, ce qui est exceptionnellement permis. D’autres ont des stratégies pour se sauver hors de la zone de l’ouragan ou du côté navigable de celui-ci. Pour notre part, Air Cool et tous les bateaux de la marina sont espacés et amarrés avec des amarres d’ouragan face à la vague, au cas où il y aurait une onde de tempête (montée de l’eau). Les propriétaires de la marina nous montrent l’emplacement de l’abri à ouragan pour les gens de la marina et le remplissent de nourriture et d’eau au cas où. Je dois vous avouer qu’à ce moment, on s’ennuyait pas mal de notre Québec natal. Un dicton célèbre de voile dit « Ne cherche pas l’aventure, elle va te trouver », cette fois-là, elle s’est surpassée!

Une fois tout organisé pour Gonzalo, il ne nous restait qu’à attendre. Comme presque toute la flottille des Bahamas (voir Naviguer des Bahamas à Grenade en temps de pandémie) était sur place et que c’était la fête d’un membre de la flottille, nous avons organisé un souper afin de souligner son anniversaire ainsi que notre premier ouragan. Finalement, heureusement pour nous, c’était un non-évènement, car la tempête est passée au sud de Grenade, sur Trinidad, sans faire trop de dommages. Mais c’était un excellent exercice; nous avons vu les nuages noirs de tempête au loin et c’était assez impressionnant.

Le reste de la saison des ouragans s’est déroulé tranquillement à Grenade, malgré une saison record en 2020 avec 30 tempêtes et 13 ouragans dans l’Atlantique Nord. Nous ne dormons jamais tranquille car on ne sait jamais. Nous surveillons le site de la NOAA au moins une fois par jour et tous les navigateurs des Caraïbes sont à l’affût.

La situation sanitaire ne s’améliorant toujours pas, nous renouvelons nos visas pour Grenade tous les trois mois. Nous qui voulions avoir du temps pour visiter, nous sommes servis. Heureusement que Grenade est une île qui a beaucoup à offrir vu sa diversité de climats. Celle-ci est due à la différence de plusieurs degrés entre le haut des montagnes et la plage tout en bas. C’est une île qui a été formée par l’activité volcanique, elle est donc très montagneuse, avec une végétation tropicale. Elle est aussi surnommée Spice Island (île aux épices), car la production de toutes sortes d’épices, comme la muscade, le clou de girofle, la cannelle, le safran, le curcuma et autres y est très importante.

Baie de Grand Anse et ses bateaux de pêcheurs.

Nous avons pu visiter une ferme locale dans les montagnes et la forêt tropicale où habitent des singes Mona (venus d’Afrique sur les bateaux de traite d’esclaves), boire le thé à la façon britannique (high tea), nous baigner dans les chutes, nous initier à la plongée sous-marine, faire de la randonnée, fabriquer du chocolat et du rhum, puis visiter Carenage (une vieille ville de Saint-Georges), et plus encore.

Chutes Annandale.

En octobre, nous sortons Air Cool de l’eau afin de faire un entretien moteur, du sablage, de la peinture antisalissures et un polissage. Air Cool est comme neuf. On trouve le courage de remettre les voiles, toujours remisées depuis Gonzalo et de naviguer vers Carriacou avec nos amis de Point Final. Carriacou est une île qui appartient à Grenade et qui se situe un peu plus au nord, à une distance d’environ 40 milles nautiques. Nous partons de la marina qui est au sud de Grenade et nous passons à l’ouest de celle-ci afin d’être protégés de la vague. Quel bonheur de naviguer à nouveau et de voir le vent gonfler les voiles d’Air Cool, les conditions sont idéales. En naviguant, nous devons passer à l’extérieur de la zone d’exclusion du volcan sous-marin Kick’em Jenny, une autre première pour Air Cool. Nous jetons l’ancre en fin de journée à Tyrell Bay, juste à temps pour y admirer le soleil qui se couche dans l’océan. Nous avons retrouvé une tradition des Bahamas à Carriacou, car au coucher de soleil, les navigateurs soufflent dans des conques (gros coquillage). 

Coucher de soleil à Carriacou.

Carriacou offre beaucoup de services, comme les douanes, une grosse épicerie, plein de petits magasins locaux et d’étalages de fruits et légumes, un marché de poissons, un magasin de pièces de bateau, le traversier vers Grenade, pleins de bons restaurants. On y retrouve surtout des gens super sympathiques.

Paradise Beach.

Carriacou est exempte de tourisme de masse et la faune locale est composée de Grenadiens, d’expatriés et de navigateurs. L’ambiance y est très relax et l’eau fait beaucoup penser aux Bahamas, de par sa clarté et sa couleur. On peut y faire facilement de l’apnée. Par contre, il faut être très prudent, car beaucoup de gens s’y sont arrêtés pour une fin de semaine et n’en sont jamais repartis tellement cet endroit est charmant.

Si jamais vous avez la chance de visiter Grenade, ne laissez pas passer cette opportunité. Par contre, n’en parlez pas trop autour de vous afin de garder cette destination exclusive.

Pour ne rien manquer du voyage d’Annie Patenaude et de Marc-André, visitez leur blogue au https://svaircool.com/.

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Par Annie Patenaude

*Cet article a été publié dans le magazine numérique Vol. 44 No. 2 de Québec Yachting. Abonnez-vous, c’est GRATUIT!