Québec Yachting

La Grande Boucle : le trajet d’une vie

Jean-Marc Tardif et sa femme Tanya Donahue Crédit photo : Jean-Marc Tardif.

Avec l’arrivée du beau temps, il est tout à fait naturel pour notre esprit de s’évader vers nos prochaines escapades estivales et de ressentir le besoin de planifier des aventures qui ancreront à jamais de précieux souvenirs dans notre mémoire. Dans cette optique, nous souhaitions vous faire découvrir un parcours hors du commun, que l’on nomme « The Great Loop » ou la Grande Boucle, qui vous fera admirer les voies navigables intérieures de l’Est du Canada et des États-Unis. La Grande Boucle vous fera voyager à travers certaines des plus grandes villes et des plus magnifiques sites historiques en Amérique du Nord. C’est d’ailleurs ce qu’un couple, Jean-Marc Tardif et Tanya Donahue, âgés de 46 ans, a décidé de faire en quittant le Québec au mois d’août dernier. Depuis, ils parcourent la Grande Boucle et souhaitaient vous partager leur expérience, mais surtout vous faire prendre conscience que nul ne sert d’attendre avant de réaliser vos rêves.

Le trajet de la Grande Boucle. Crédit photo : AGLCA.

Qu’est-ce que la Grande Boucle?

La Grande Boucle est un parcours d’un peu plus de 9650 km qui permet aux plaisanciers, à bord de leur propre embarcation, de naviguer notamment les canaux historiques de Parcs Canada, les Grands Lacs, les rivières intérieures situées en Amérique du Nord, les canaux de l’État de New York et la voie navigable intercôtière de l’Atlantique. Il faut environ un peu plus d’un an pour parcourir la Grande Boucle, mais il est toujours possible de moduler son itinéraire en fonction des besoins du voyage. Dans le cas de Jean-Marc et de sa femme Tanya, ils ont quitté Valleyfield le 18 août 2022 à bord de leur embarcation surnommée Unplugged I pour y vivre l’expérience d’une vie. Avec en tête la devise « pas d’horaire, pas d’itinéraire », ils parcourent la Grande Boucle à leur rythme et estiment qu’ils seront de retour au Québec au mois d’octobre 2023, juste avant la fermeture des canaux historiques du Canada.

Bien que ce parcours puisse vous paraître imposant, il est tout à fait possible d’explorer la Grande Boucle en partie, en utilisant des trajets alternatifs pour adapter votre voyage. Par exemple, certains plaisanciers décident de parcourir la Mini Boucle ou la Boucle Triangle en empruntant les canaux historiques du Canada (Canal-de-Lachine, Canal-de-Sainte-Anne-de-Bellevue, Canal-de-Carillon puis le Canal-Rideau), le lac Ontario, les canaux de l’État de New York, puis remontent la rivière Hudson pour finalement revenir sur le Fleuve Saint-Laurent par les canaux historiques de Chambly et de Saint-Ours.

Pour Jean-Marc, le lieu historique national de la Voie-Navigable-Trent-Severn se situe dans le palmarès de ses expériences mémorables de la Grande Boucle, plus spécifiquement en raison de l’unicité des sites de Big Chute, Peterborough et Kirkfield. Le couple avait déjà vécu l’expérience sur les canaux du Québec avant d’entreprendre leur aventure; ils n’ont toutefois pas encore transité par le Canal-Rideau et le Canal-de-Carillon, mais espèrent le faire sur le chemin du retour à l’automne si le temps le permet avant la fermeture des canaux.

À quel type de bateaux s’adresse la Grande Boucle?

Du yacht de 70 pieds au kayak, en passant par les bateaux à moteur et les voiliers, tous les types d’embarcations sont bienvenus sur le trajet de la Grande Boucle. En 2022, les éclusiers du Canal-de-Lachine ont d’ailleurs fait la connaissance de Mark Furhmann qui parcourt actuellement, à bord de son kayak, sa version de la Grande Boucle, soit la « Greater Loop » en y ajoutant près de 1000 km. Son expédition surnommée « Reverse the bad » a pour mission d’amasser des fonds et de multiplier le positif autour de lui. Pour en savoir plus sur l’histoire très inspirante de Mark Furhmann et son aventure, nous vous invitons à lire notre chronique précédente sur le site internet de Québec Yachting. Celle-ci a aussi été publiée dans le Vol. 46 No. 1.

Pour les bateaux à moteur et les voiliers, il est important de prendre en considération le tirant d’air ainsi que le tirant d’eau de votre embarcation. Au niveau du tirant d’eau, soit la profondeur de la partie immergée de l’embarcation, il est recommandé de ne pas dépasser cinq pieds afin de garantir votre transit à travers les canaux historiques du Canada et d’éviter les enjeux lors de la marée basse dans certaines sections de la voie navigable intercôtière de l’Atlantique.

Le bateau Unplugged I qui parcourt actuellement la Grande Boucle. Crédit photo : Jean-Marc Tardif.

Au niveau du tirant d’air, soit la distance verticale entre la ligne de flottaison et le point le plus haut de l’embarcation, il est important de bien s’informer sur les restrictions de hauteur sur la totalité du parcours de la Grande Boucle afin d’éviter les mauvaises surprises. Par exemple, le pont fixe le plus bas sur le trajet de la Grande Boucle, situé plus précisément sur la rivière Illinois, s’élève à 19,6 pieds. Il faudra donc prévoir l’abaissement des radars et des antennes sur votre bateau à moteur ou du mât de votre voilier pour transiter ce secteur. Vos options de transit dans les canaux de l’État de New York et du Canada seront également dépendantes du tirant d’air de votre embarcation. Par exemple, si votre embarcation possède un tirant d’air maximal de 15 pieds, il vous sera possible de prendre le canal Érié jusqu’à son terminal du côté Ouest, dans le lac Érié. Du côté de Montréal, si votre embarcation peut passer sous plusieurs ponts de 8 pieds, il vous sera possible de transiter par le Canal-de-Lachine et d’admirer les joyaux historiques de ce merveilleux site.

En ce qui concerne la longueur et la largeur de votre embarcation, la seule contrainte se situe sur la voie navigable du Trent-Severn, plus spécifiquement à Port Severn, où la dimension de l’écluse est de 84 pieds par 23 pieds. Bien que votre embarcation se doit de respecter certaines données techniques, le plaisancier Jean-Marc Tardif rappelle qu’il faut avant tout que vous soyez à l’aise autant à bord de l’embarcation qu’au niveau de sa conduite. Selon lui, l’essentiel est que votre embarcation ne soit pas trop petite, pour éviter les chicanes de couple, ni trop grande pour augmenter les coûts reliés à l’essence et aux réparations. Rien ne vaut les trucs et conseils d’un plaisancier aguerri!

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Les items indispensables à mettre à bord de son embarcation, selon Jean-Marc :

  1. Une radio maritime (VHF) double et une antenne à grande portée afin de pouvoir communiquer sur plus d’un canal.
  2. Un système d’identification automatique ou transpondeur AIS afin de connaître la position géographique des autres bateaux aux alentours.
  3. Un dinghy pour accéder à des endroits inaccessibles avec votre bateau à moteur, selon sa grandeur.
  4. Des trottinettes électriques pour faciliter les déplacements en ville.
  5. Prévoir des espaces de rangement supplémentaires pour y loger les provisions et les vêtements.

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Parcourir la Grande Boucle avec un bateau à moteur de type cruiser sport de 42 pieds n’est pas chose courante, mais pour Jean-Marc et sa femme, qui possèdent cette embarcation depuis quatre ans, il s’agissait d’un choix logique étant donné leur confort à bord. Jean-Marc et Tanya voyagent à bord de leur bateau à moteur Unplugged I, un Maxum 4200 équipé d’une plateforme de 4 pieds à l’arrière qu’ils considèrent indispensable pour profiter pleinement de l’espace à bord.

« Si ce n’est pas maintenant, alors ce sera quand? »

Pour Jean-Marc et Tanya, tout a débuté alors qu’ils ont entendu parler de la Grande Boucle à l’émission de télévision Fou de Bateaux il y a quelques années. Bien que cette idée figurait au palmarès de leurs rêves, jamais ils ne se doutaient que leur aventure verrait le jour aussi rapidement.

À la suite de la vente de son entreprise en juin 2022, Jean-Marc a saisi l’opportunité de prendre une année sabbatique pour réaliser son rêve de parcourir la Grande Boucle avec son épouse. C’est en moins de quatre mois, de mai à août 2022, que le couple a planifié ce périple et ils ne regrettent en rien leur décision, qui pour certains pouvait paraître précipitée.

Le bateau Unplugged I qui parcourt actuellement la Grande Boucle. Crédit photo : Jean-Marc Tardif.

Le défi le plus important vécu par Jean-Marc et Tanya est le sacrifice de s’éloigner de leur famille. C’est la raison pour laquelle ils reviennent en avion aux 6 à 8 semaines, pour une durée d’environ deux semaines chaque fois, afin d’avoir suffisamment de temps pour visiter leurs enfants, petits-enfants et amis.

Avec la prémisse suivante à l’esprit : « si ce n’est pas maintenant, alors ce sera quand? », le couple réalise depuis leur départ que nul ne sert de planifier un tel voyage pendant 10 ou 15 ans alors qu’ils rencontrent plusieurs plaisanciers qui ont finalement dû abandonner leur rêve de parcourir la Grande Boucle pour des raisons de santé. Avoir le courage de se lancer et saisir l’opportunité de réaliser nos rêves : voilà le moteur qui permet de naviguer la Grande Boucle en regardant droit devant.

Se connecter à la communauté des « Great Loopers »

Que vous soyez à l’étape de la contemplation ou de la planification d’un voyage sur le trajet de la Grande Boucle, une des ressources indispensables est l’« America’s Great Loop Cruisers’ Association » (AGLCA). Leur mission est d’accompagner les plaisanciers dans toutes les facettes de leur voyage, qu’il soit de courte ou de longue durée, en offrant un soutien indispensable aux membres qui rêvent, planifient ou parcourent la Grande Boucle.

En étant membres de l’AGLCA, Jean-Marc et sa femme Tanya bénéficient d’une tonne d’informations pour planifier et parcourir la Grande Boucle. Leur adhésion permet également de créer des liens et de se connecter avec la communauté des plaisanciers qui ont parcouru ou qui parcourent actuellement la Grande Boucle, les « Great Loopers ». L’entraide entre les membres de l’AGLCA est significative et elle peut s’établir bien avant votre départ sur le trajet de la Grande Boucle.

Pour obtenir de plus amples informations sur la Grande Boucle et pour devenir membre de l’AGLCA, nous vous invitons à consulter le https://www.greatloop.org/.

Par Elizabeth Morin, agente partenariat, engagement et communications, Voies navigables au Québec, Parcs Canada

*Cet article a été publié dans le Vol. 46 No. 2 de Québec Yachting. Abonnez-vous, c’est GRATUIT!