Achat d’un bateau usagé : faisons le point avec un choix de plus en plus vieillissant

État du balsa dans un pont pourri.
À titre d’expert maritime (Surveyor), durant la pandémie nous avons constaté un emballement des prix des embarcations. Tout se vendait, même des bateaux en fin de vie utile. Dans les constructions, depuis le début des années 1970 jusqu’à aujourd’hui, il y a eu de grands changements sur les matériaux utilisés et entre autres sur les matériaux composites.
En 1973, 1979 et 2008, il y a eu trois chocs pétroliers qui ont eu pour effet de multiplier les prix de la résine servant notamment à la fabrication des bateaux. Plusieurs distributeurs de pétrochimie se sont mis à faire de nouveaux mélanges avec des substrats avec une qualité inférieure afin de réduire les coûts.

État du balsa dans un pont pourri.
Parmi les premiers changements, l’utilisation de balsa comme sandwich (déjà largement utilisé auparavant, mais devenu un quasi-standard), un bois très léger, facile à façonner et offrant des propriétés mécaniques permettant une excellente résistance structurelle. La majorité des constructions des ponts ont été effectuées avec ce procédé et quelques constructeurs ont commencé à l’utiliser dans les coques. Ce procédé, en utilisant une résine de bonne qualité et surtout bien étanche, avec un bon ratio fibre de verre / résine, empêchait la contamination du balsa par l’eau et permettait un gain de poids considérable. Le problème majeur de ces constructions vient de l’ajout d’accastillage. Afin de visser, faire passer des cadènes, fixer des mains courantes, taquets, garnitures, etc., il a fallu percer des trous et mettre du scellant afin que le balsa ne soit pas contaminé.
La résine et la fibre de verre ayant une durée de vie longue, il n’en est pas de même pour le scellant qui n’a qu’une durée de vie de 5 à 10 ans dans les meilleures conditions. C’est ici que commence les problèmes avec des infiltrations d’eau qui contaminent le bois et le font pourrir. Suivant l’ampleur des fuites, la vitesse de pourrissement varie, puis vient les infiltrations à l’intérieur du bateau dont les structures sont souvent faites de bois ou de contreplaqués recouverts de fibre de verre. Il devient de plus en plus courant de trouver des bateaux semblant en bon état, mais ayant une solidité structurelle affaiblie dont la sécurité en navigation est compromise.

Renfort décollé par humidité et probablement gel et dégel.
Il est possible de remettre en état ces unités, mais souvent le coût de faire ces travaux devient prohibitif et le bateau ne reprendra jamais une valeur justifiant la remise à niveau.
Pour ce qui est des coques en sandwich balsa, après le deuxième choc pétrolier, il n’est pas recommandé d’acheter une telle unité. Dans les constructions monolithiques (fibre de verre sans âme tel que le balsa), les coques osmosées ont commencé à apparaître à cause de la porosité des nouvelles résines et pour les coques sandwich balsa, la contamination du bois est chose fréquente. Que ce soit dans les bateaux à moteur ou les voiliers, certains fabricants ont continué à faire ce genre de construction jusqu’en 2008 environ.

Taux d’humidité dans une coque sandwich balsa.
Des matériaux de remplacement au balsa sont employés par certains constructeurs tels que l’Airex, le nid d’abeille, le Correcell, etc. Ces matériaux synthétiques sont moins sujets à se dégrader dans le temps, mais n’empêchent pas un délaminage de la fibre de verre en cas d’infiltrations d’eau.
Le manque de bateau et l’engouement des acheteurs entre 2020 et 2022 ont fait en sorte que des bateaux en piètre état ont été transigés. Il n’est pas sans rappeler l’importance de faire inspecter son achat par une personne compétente avant de procéder. Afin d’assurer un bateau, et vu le parc vieillissant, un Survey est majoritairement requis et ce n’est pas au moment de souscrire une police d’assurance qu’il faut le faire inspecter, mais à l’achat pour éviter une mauvaise surprise.

Zone délaminée.
Que vous achetiez ou possédiez déjà un bateau, il est important de savoir comment il a été construit, afin de faire un plan d’entretien adéquat. Vous pouvez aussi vous tourner vers un professionnel qui vous guidera dans la prévention ou la réparation.
Nicolas Gibault donne des cours durant l’hiver sur l’électricité marine et sur l’électronique à bord en ligne ainsi que sur les pièges à éviter à l’achat d’un bateau et sur les Ajustements fins de voile et régate. Vous pouvez visiter ses sites Internet au nicolasgibault.com et au www.ecolenautique.com. Vous avez des questions ou souhaitez faire inspecter votre bateau? Vous pouvez l’appeler au 514 220-8717 ou lui écrire un courriel au nicolas@nicolasgibault.com.
Par Nicolas Gibault, SAMS
*Cet article a été publié dans le magazine numérique Automne 2024 de Québec Yachting. Abonnez-vous, c’est GRATUIT!