Québec Yachting

Le guide des bonnes pratiques sur mon plan d’eau. Êtes-vous compétent(e) pour naviguer?

Bébé en kayak, Baskatong. Crédit photo : Denise Cloutier.

Que diriez-vous d’obtenir votre permis de conduire sur les routes du Québec à vie en seulement trois heures, par internet, sans examen pratique, et pour la modique somme de 60 $? On peut imaginer les dommages sur les routes en vies humaines et les dommages matériels! Eh bien, c’est de cette façon qu’on obtient une Carte de conducteur d’embarcation de plaisance pour naviguer sur les plans d’eau du Québec et du Canada : en trois heures de cours sur internet, sans examen pratique et pour toute notre vie.

Pas besoin de vous dire que les dommages peuvent être considérables sur nos plans d’eau… Nous naviguons sur la vie aquatique et nous n’avons aucune idée, dans cette formation, de l’importance de préserver la biodiversité de nos plans d’eau qui constituent un patrimoine exceptionnel et pour lequel nous faisons l’envie du reste du monde.

Oui, on est formé très sommairement sur la sécurité… Dans le Guide sur la sécurité nautique de 72 pages, publié par Transports Canada, seulement deux pages parlent de respect des voies navigables, sans toutefois mentionner les bonnes pratiques pour préserver la biodiversité. Les bonnes pratiques en matière de navigation durable passent nécessairement par une bonne connaissance de la vie aquatique sur laquelle nous naviguons. Contrairement aux routes d’asphalte, l’eau recèle des milliers d’organismes qui forment la base de la chaîne alimentaire des poissons, des oiseaux aquatiques et des humains.

Harles huppées, lac Laurel. Crédit photo : Denise Cloutier.

Certains peuvent penser que  « ce qu’on ne voit pas sous l’eau n’est pas important ». Ceux-là n’accordent aucune importance à leur façon de naviguer : trop près des rives, avec des vagues surdimensionnées, en eau peu profonde, en tournant en rond dans les plantes et herbiers aquatiques. Tout ça ne fait pas de différence pour eux, pourvu qu’ils aient leur « terrain de jeu illimité »! … Mais pour combien de temps?

Pourtant, ils apprécient se baigner dans une eau transparente, voir les petits poissons en rive, pêcher, entendre le chant du huard ou des grenouilles, regarder le coucher de soleil qui se reflète sur le lac, se ressourcer et goûter des moments inoubliables au bord de l’eau.

Coucher soleil, lac Magog. Crédit photo : Joanne Sarrazin.

Ce que je viens d’énumérer ne peut être possible à moyen et long terme que si les navigateurs adoptent des pratiques de navigation durable dès maintenant, pour préserver notre patrimoine pour nos enfants et petits-enfants. Elles sont pourtant simples :

En plus de posséder les notions de sécurité sur l’eau, choisir « le bon bateau » et naviguer au « bon endroit » au « bon moment »; mais d’abord, dans votre plan de navigation :

  • Connaître la bathymétrie (longueurs, largeurs et profondeurs) du plan d’eau où vous naviguez;
  • Connaître la localisation des herbiers du plan d’eau pour ne pas y circuler;
  • Connaître le code de conduite du plan d’eau s’il existe;
  • Connaître les restrictions à la navigation du plan d’eau s’il y a lieu;
  • Naviguer le plus loin possible de la rive, soit 300 mètres minimum, et sur une profondeur minimale de 7 mètres si vous avez un bateau puissant comme un surf ou wake boat; sinon vous provoquez :
    • l’érosion des rives et/ou le brassage des sédiments et donc :
      • la diminution de la transparence de l’eau;
      • un apport de phosphore dans la colonne d’eau;
      • donc plus de nourriture pour les plantes aquatiques envahissantes et les algues;

Cyanobactéries (algues bleu-vert), lac Magog. Crédit photo : Joanne Sarrazin.

  • la destruction des frayères de poissons;
  • la destruction des nids de huards;
  • la perte de la biodiversité;
  • la possible formation d’algues bleu-vert parfois toxiques;
  • l’eutrophisation (vieillissement) accélérée du plan d’eau.
  • sans compter les inconvénients pour les riverains
    • qui voient leur quai ou leur prise d’eau malmenés;
    • qui perdent la jouissance du plan d’eau;
    • qui subissent une dévaluation de leur propriété à cause de la dégradation de la qualité de l’eau.

Pas étonnant que l’accès aux plans d’eau soit de plus en plus difficile pour qui veut en profiter avec son embarcation partout au Québec. Les associations de riverains qui ont, pour la plupart, comme mission de préserver leur plan d’eau, voient d’un mauvais œil l’arrivée sur celui-ci de nouvelles embarcations toujours plus puissantes. Souvent ces embarcations sont conduites par des navigateurs qui ne connaissent ni le plan d’eau ni les règles de navigation durable et qui n’ont AUCUNE expérience en navigation.

Motomarine. Crédit photo : Lina Aarab.

La Coalition pour une navigation responsable et durable (Coalition Navigation) demande depuis des années à Transports Canada d’adapter sa loi pour y introduire les notions de navigation durable. À cet effet, elle a déposé des recommandations au Comité permanent des transports, des infrastructures et des collectivitésle 31 octobre 2024, à Ottawa. Il est possible de regarder la vidéo en suivant ce lien. Ces recommandations se déclinent ainsi :

  1. Reconnaître dans la Loi 2001 sur la Marine Marchande canadienne les impacts environnementaux des embarcations de plaisance sur nos plans d’eau.
  2. Définir une législation moderne sur la navigation de plaisance qui tienne compte des études environnementales.
  3. Définir les zones de navigation de plaisance en fonction de la bathymétrie des plans d’eau en vue de protéger leur biodiversité des impacts de la navigation de plaisance.
  4. Établir et mettre en force un « Code de navigation sécuritaire et durable »
  5. Adapter les exigences des cours de navigation à ce « Code » et y introduire dès le départ les notions de navigation durable.
  6. Appuyer financièrement la mission de la Coalition Navigation ainsi que sa campagne de sensibilisation à l’échelle du pays.

Actuellement, le fardeau de la preuve incombe aux riverains et aux municipalités qui doivent pour chacun des lacs ou plans d’eau faire des demandes de restrictions visant l’utilisation des bâtiments (bateaux), dans le cadre du règlement RRVUB. Ce processus est long, coûteux et fastidieux pour les bénévoles des associations de lacs et les administrations des petites municipalités. Il demande de nombreuses consultations, en plus des études environnementales et économiques que les administrations locales n’ont pas les moyens de se payer pour chacun des lacs de leur territoire.

Bateau et bouée, lac Laurel. Crédit photo : Denise Cloutier.

Il serait plus simple pour le gouvernement fédéral de réglementer la navigation en fonction de la bathymétrie des plans d’eau sur la base des études scientifiques reconnues. C’est ce que la Coalition Navigation demande depuis plus de 10 ans à Transports Canada. Ainsi, les navigateurs sauraient d’avance, avec les dimensions bathymétriques du plan d’eau, s’ils peuvent y naviguer avec le type de bateau qu’ils possèdent, sans endommager l’environnement. Le fardeau de la preuve incomberait aux navigateurs de démontrer qu’ils ne polluent pas le plan d’eau ou qu’ils respectent ce qu’on pourrait appeler le nouveau Code de navigation sécuritaire et durable. 

Par ailleurs, comme beaucoup d’usagers qui trouvent que les cartes de conducteur d’embarcation de plaisance sont obtenues trop facilement sur internet, la Coalition Navigation est d’avis que les cours de navigation existants devraient faire l’objet d’un processus plus sérieux et mieux contrôlé qui inclut obligatoirement des cours théoriques et pratiques de navigation durable, tout comme c’est le cas des permis de conduire selon le Code de la route. 

La Coalition Navigation souhaite vivement poursuivre les discussions avec les instances gouvernementales pour préserver notre patrimoine lacustre pour les générations futures, avec le « bon bateau » au « bon endroit » au « bon moment » et surtout avec une législation efficace.

Jeune enfant en kayak, lac Laurel. Crédit photo : Denise Cloutier.

Merci d’appuyer cette démarche!

*Cet article a été publié dans le magazine numérique Printemps 2025 de Québec Yachting. Abonnez-vous, c’est GRATUIT!